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Neutraliser les « déviants » La police mutile et assassine, la justice relaxe : l’impunité est la règle

Depuis 1968, on dénombre au moins 320 morts par la police. Il ne s’agit que d’une estimation très probablement en deçà de la réalité. Les meurtres policiers connus ne sont que ceux pour lesquels il y a des témoins, ou bien ceux qui ont donné lieu à une plainte des proches qui sont parvenus à faire connaître les faits. En d’autres termes, les médias ne parlent que de ceux qu’ils ne peuvent guère cacher. Depuis le début des années 2010, on note une explosion de ce que d’aucuns voudraient appeler des « bavures policières » (plus de 10 par an). En plus des morts, les blessés et mutilés se multiplient. C’est que non seulement l’armement de la police se perfectionne en puissance et en capacité à faire mal, mais en plus le cadre légal qui entoure l’usage de leurs armes s’assouplit très largement, ce qui leur donne carte blanche pour s’en servir en toute impunité. Les condamnations pour les policiers meurtriers comme mutilateurs se font rares. La légitime défense est bien souvent invoquée et reconnue.
Les condamnations, lorsqu’elles sont prononcées, sont rarement sur la base d’un homicide volontaire, ou même involontaire, mais plutôt sur la base de « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».
Les policiers responsables de la mort de Zyed et Bouna en 2005 ont été relaxés en appel en mai 2015.

En avril 2015, 6 non-lieu ont été prononcés. 3 concernent les jeunes hommes qui ont été mutilés à l’oeil par des tirs de LBD40 le 22 février 2014 à Nantes, au cours de l’immense manifestation contre l’aéroport et son monde. 2 concernent les 2 journalistes, blessés au cours de cette même manifestation, par une grenade et par un tir de LBD40. Le dernier concerne le jeune homme de Montbéliart, également mutilé à l’oeil par un tir de Flashball super-pro alors qu’il s’approchait d’une rixe pour essayer de la calmer. Le Parquet a décidé de communiquer ces décisions de non-lieu par voie de presse. Le message est très clair : les agents de police ne sont jamais coupables et ne le seront jamais.

En revanche, les morts et blessés se retrouvent à être considérés comme responsables de leur confrontation avec les armes de la police. Les plus touchés sont, très clairement, les habitants des quartiers populaires, les immigrés, les sans-papiers, les Roms, les gens du voyage, et les manifestants anticapitalistes. Eux, ce sont les « déviants », des suspects par principe. L’arsenal de lois sécuritaires leur est spécialement dédié. Rien d’étonnant à ce que la police les vise particulièrement puisque l’Etat les désigne comme présumé coupable, avec l’aide des médias qui ne se lassent pas d’écrire d’innombrables lignes sur les « violences urbaines », « les quartiers chauds », ces gens du voyage qui ne vivent pas comme nous « civilisés », ces « casseurs » qui ravagent nos centre-villes et qui nuisent à la « paix publique »…

Ces « déviants » troublant l’ordre public sont confrontés, en plus de la violence policière, à une répression judiciaire particulièrement féroce. Les condamnations à de la prison ferme, même pour des personnes dont le casier judiciaire est vierge, pleuvent, de même que les interdictions de manifestations et les interdictions de territoire. Un simple échange de 10€ contre une barrette de shit donne lieu à un procès (tribunal correctionnel de Nantes, 16 février 2015). De surcroît, les peines infligées sont très fréquemment prononcées sur la base de la parole des « agents assermentés » (les flics), sans preuve convaincante, même aux yeux de la loi. La rhétorique développée autour de personnes ou de groupes de personnes stigmatisés permet de faire accepter toutes ces discriminations et ces répressions, ainsi que le harcèlement policier quotidien (qui comprend les contrôles au faciès).

La multiplication des armes de répression et leur banalisation fait écho au durcissement du cadre légal contre les « déviants », couplée à la discrimination de plus en plus enracinée envers les habitants des quartiers populaires, les Roms, les gens du voyage, les immigrés et les manifestants anticapitalistes. Il ne faut cependant pas perdre de vue que si les premiers sont victimes de racisme, les derniers sont visés non en tant que « catégorie ethnique » mais en tant que nuisibles à la paix publique car luttant contre un ordre économique et social. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que les discriminés sur la base du racisme ne sont pas aussi anticapitalistes et inversement. L’Etat use et abuse de la division en catégories pour cloisonner, isoler et donc mieux harceler et réprimer. Ne tombons pas dans le piège.

Le juteux commerce des armes, moyen d’enrichissement, de domination, comme de répression des mouvements sociaux

Le commerce des armes dans le monde constitue un excellent indicateur permettant de saisir les grands enjeux internationaux mais également locaux, ainsi que les positionnements stratégiques de la part de Etats, souvent en complète contradiction avec les discours portés par leurs gouvernements respectifs d’ailleurs.

Quelques indicateurs généraux

Selon l‘Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI en anglais), le chiffre d’affaire du secteur représentait en 1990 30,58 milliards de dollars, 17,95 milliards de dollars en 2002 avant de remonter 28,17 milliards de dollars en 2012. A cela, on peut ajouter les très importantes variations entre chacune de ces périodes, correspondant chacune à la multiplication ou à l’arrêt des conflits.

Si, d’une part, on peut relever l’importance du secteur aéronautique (près des deux tiers), on peut le nuancer en appuyant sur les prix extrêmement élevés de ce secteur. En effet, la vente de 24 rafales de la part de la France à l’Égypte atteint le montant faramineux de 5,2 milliards d’euros (soit 5,6 milliards de dollars à l’heure où ces lignes sont écrites). On peut alors imaginer le nombre d’armes de poings qui, pour la même somme, peuvent être achetées, sans oublier que les équipements servant à la répression des populations coûte encore moins cher…

L’exportation du matériel de répression des foules dit « non-létal »

Chacune de nos manifestations réprimées sert d’annonce publicitaire pour la promotion de l’équipement des forces de « l’ordre ». Parmi ledit équipement, on trouve notamment la matraque télescopique ou le tonfa (censé être un « bâton de défense ») et la gazeuse pour les armes qui servent en cas de corps à corps, le canon à eau, la grenade lacrymogène, la grenade de désencerclement, la grenade assourdissante et les flashball et LBD pour les armes de distance. A noter également qu’outre ce matériel visible, il est fréquent que dans les zones particulièrement tendues, comme les ZAD par exemple, du matériel blindé de l’armée n’est pas loin, pour le cas où… La police française n’est pas seule à être friande de ces armes de répression. Ainsi, les grenades assourdissantes fabriquées en France se retrouvent également à Montréal, où la police en a fait un usage durement ressenti par les manifestants. Les grenades lacrymogènes, quant à elles, ont amplement servi en Turquie (lutte contre un projet urbain) et en Tunisie (chute de Ben Ali). Par ailleurs, l’entreprise Verney-Carron, qui fabrique les flashball, se targue de vendre de plus en plus à l’étranger. Ainsi, des négociations sont en cours (voire achevées) avec le Portugal, la Slovaquie, la Slovénie, le Maroc, le Sénégal, l’Indonésie, la Thaïlande, le Cameroun… La police mexicaine en est désormais dotée, dans ce pays où les manifestations ne cessent au sujet des 43 étudiants assassinés. De même que la police espagnole ; des manifestations massives avaient obtenu la suppression du modèle de flashball alors utilisé dans les armes de la police suite à de graves blessures causées par son utilisation. La décision de le remplacer par le modèle français n’a pas tardé.

A noter que cette transmission d’armes de répression des mouvements sociaux par l’Etat français ne date pas de l’invention du flashball. En effet, l’ancêtre de cette arme, à savoir le fusil à balles en caoutchouc fabriqué par l’entreprise Paul Barril, a été vendu à des pays comme Israël et la Grande-Bretagne, non sans dégâts. Le 27 septembre 1996, au cours d’une manifestation, 3 palestiniens ont été tués et une quarantaine blessés, surtout à la tête, par les forces armées israéliennes. Or, Israël jure que seules des balles en caoutchouc ont été tirées. Les forces indépendantistes progressistes d’Irlande du Nord ont, elles aussi, subi durement la répression avec ces fusils, qui ont causé la mort des plusieurs de ses membres. Le flashball et le LBD sont une version moins mortelle, certes. S’il est vrai que les balles réelles sont autrement plus mortelles et que leur abandon n’est (ou ne serait, selon les Etats) pas à pleurer, il importe néanmoins de s’interroger sur l’armement des forces de l’ordre, dit « non-létal » ou «à létalité atténuée ». D’une part, user de ce type de qualificatif amène à minimiser les blessures, mutilations voire les morts causés par ces armes. Par ailleurs, justement, chaque mort et mutilation dont la responsabilité incombe à l’usage d’armes « non-létales » devrait soulever l’indignation, puisqu’on nous répète bien qu’elles ne sont pas néfastes pour les individus. En outre, les mutilations contreviennent au principe d’intégrité physique des individus proclamé par diverses conventions internationales (comme la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales), ce qui laisse penser que les contourner est chose aisée même pour les « démocraties ». Enfin, alors même que l’Etat français se targue d’équiper ses forces de police d’armes « à létalité réduite », il n’a aucun scrupule à vendre des armes dont la létalité ne fait aucun doute mais beaucoup de cadavres, à des Etats qui ne s’occupent pas le moins du monde de masquer leurs crimes de masse intérieurs.

L’exportation de matériel et de techniques de guerre sur fond d’opacité

Si la France ne représente qu’entre 7 % et 10 % des sommes échangées dans le commerce international de l’armement, elle reste néanmoins le second fournisseur de la Chine (environ 100 millions d’euros/an de matériel français arrive dans la république populaire depuis 2009, et ce malgré un embargo touchant cet Etat après le massacre de la place Tian’anmen) après la Russie, ou encore le premier fournisseur de l’Arabie Saoudite (avec pas moins de… 2 milliards de dollars pour la seule année 2013). A relever également sa capacité à fournir en armes des pays antagonistes, comme l’Inde et le Pakistan depuis les années 1950.

De la même manière, la France est l’heureux pays d’accueil de l’Eurosatory, qui s’y tient tous les 2 ans, et est le plus grand salon d’exposition d’armement se déroulant au niveau mondial. Ainsi, une part du prestige et de la reconnaissance internationale de la France passe par cette réputation de vendeur d’armes. L’arrivée au pouvoir des socialistes n’a pour l’instant rien changé. « Le duo Hollande-Le Drian est le meilleur qu’ait connu la France pour les ventes d’armes depuis des lustres » annonce un patron du secteur, dans une parole rapportée dans Challenges (notre effort « d’investigation » nous coûte beaucoup…). La France est également le pays d’accueil de Milipol, le salon mondial de la sécurité intérieure des Etats.

Si l’on a tous en mémoire des termes comme « rétro-commissions », « commissions occultes », c’est à dire des pots-de-vin, on parle aujourd’hui de « frais commerciaux exceptionnels » pouvant dépasser 10 % du montant du contrat. Or, chaque contrat touchant ce domaine économique doit obtenir une « autorisation spéciale » délivrée par le Président lui-même. Nous vivons donc dans un État qui participe sans honte ni remords à la corruption internationale. Nos dirigeants et leurs alliés sont donc directement et personnellement responsable du soutien qu’ils apportent de cette façon aux dictatures. C’est d’ailleurs la reconnaissance sans réserve de ce soutien qui avait coûté sa place à la ministre de la défense Michèle Alliot-Marie, en 2011, lorsqu’elle avait exigé que la France aide Ben Ali à écraser la révolte populaire en Tunisie. La perte de la place d’une ministre après de tels propos ne doit cependant pas tromper : les gardes présidentielles des dictatures d’Afrique de l’Ouest sont formées par la France. Il y a des précédents. En effet, la France a considérablement aidé les dictatures d’Amérique Latine, en particulier le Chili de Pinochet, à se renforcer, à massacrer celles et ceux qui résistaient, à l’aide de ses « Escadrons de la mort ». Concrètement, elle s’est attelée à transmettre les techniques de quadrillage de la population mises en œuvre avec succès au cours de la bataille d’Alger, ainsi que les techniques d’appréhension des suspects et leur neutralisation. Ceci dit, la gestion de populations vient de la colonisation elle-même, et non des guerres de décolonisation. L’histoire de la police française est imprégnée de la colonisation. Les résultats ont été à la hauteur de l’objectif poursuivi, ce qui fait de la France un pays expert en maintien de l’ordre (démocratique, bien entendu). Si bien que des pays comme le Qatar requiert ses services. Ainsi, en 2006, la gendarmerie est venue sécuriser les Jeux asiatiques de Doha. En 2022, pour la Coupe du Monde, une coopération entre les deux Etats est prévue.

Le pays « des droits de l’homme », des « lumières » ne se pose que peu de questions d’éthique ou de morale lorsque l’on parle du commerce de l’armement. Selon Amnesty International, entre 2005 et 2010, 13,8 millions d’euros d’armes auront été vendues à l’Égypte chaque année malgré des rapports accablants sur la conditions des droits humains dans le pays, il en va de même pour la Syrie de Bachar el-Assad, la Lybie de Kadhafi… A noter également que l’entreprise française Amesys est en procès pour des accusations de vente de matériel de surveillance au régime Kadhafi. Le choix de s’engager dans une voie autoritaire et guerrière aussi bien sur le plan interne qu’international est assumé. Il importe de la combattre, de toutes les façons possibles. Et il y en a beaucoup.

Lutter contre l’armement en France ne signifie en aucun cas que seule la France est visée par ce combat, ni que l’intérêt de cette lutte est limité aux frontières nationales. Il est nécessaire d’affirmer que viser les entreprises françaises de l’armement fait partie des moyens de lutte contre l’ordre public qu’on nous impose partout dans le monde. Il s’agit d’un moyen d’action permettant de combattre le néo-colonialisme, la répression des contestations par-delà les frontières, aussi bien en Grèce contre l’austérité, au Brésil contre la Coupe du Monde en 2014, aux Etats-Unis contre les violences policières et leur racisme etc. Il importe d’agir ensemble à l’international, de briser les murs qui nous enferment et nous isolent.

Quelques sources et références :
http://22fevrier2015.jimdo.com/
http://27novembre2007.blogspot.de/
http://www.urgence-notre-police-assassine.fr/
http://www.obsarm.org/
Maurice Rajsfus
« Escadrons de la mort. L’école française » Marie-Monique Robin
Bastamag
Rapports d’Amnesty International
www.diplomatie.gouv.fr

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