compte rendu Nobelsport Octobre 2015

Vidéo du samedi soir :

Texte sur lundi.am :
Pont-de-Buis, octobre 2015.
On y va ensemble, on rentre ensemble.

Voilà deux semaines que nous annoncions la tenue d’un festival contre les armes de la police à Pont-de-Buis, petite bourgade du Finistère. Voilà plusieurs années que la police blesse ou mutile régulièrement des manifestants ou de simples badauds lors d’opérations de sécurisation de l’espace public. Qui ne connait pas un cousin éborgné par un tir de flashball « maladroit » ? En France, c’est (entre autres) l’entreprise Nobelsport qui élabore et vend ces armes. « Bon vivant rimant avec prévoyant », ce week-end d’octobre, des manifestant ont pris les devants. Des lecteurs de lundimatin nous racontent.

Les douze voitures bardées de caravanes, barnums et cantines s’enfoncent dans la nuit. Il s’agit d’atteindre un champ qui surplombe le Colisée de la Douffine, sur les hauteurs de Pont-de-Buis. 15 km et 3 pannes plus loin le cortège s’arrête, la nuit est calme, il faut maintenant monter le camp.

Nous sommes le 22 au soir, au fond du Finistère, aux abords de NobelSport, principale usine d’armement de la région. Demain on marche sur l’usine pour bloquer sa production. Le défi est posé et la préfecture le relève, elle décide de nous empêcher d’approcher du site. Au même moment à 800 km de là, la famille de Rémi Fraisse, tué par les gendarmes un an plus tôt sur la zad du Testet, essuie une série d’offenses publiques et d’interdictions préfectorales. Impossible pour elle de rendre hommage à Rémi sans être accompagnée par ceux-là même qui lui ont pris la vie. Le cadre est posé, cette date anniversaire doit passer inaperçue : la police tue, le calme règne.
Vendredi 23 octobre 2015

À Pont-de-Buis, le vendredi matin, l’infoline circule. Objectif : atteindre le point de rassemblement au milieu du village. La gendarmerie a barré tous les accès à l’exception de l’entrée sud. Pendant deux heures, les manifestants contournent le dispositif pour arriver sur la place. Il est 16h, nous sommes près de 500 et, en contrebas, les canons à eau précédés par des grilles bloquent les deux ponts d’accès à l’usine.

Le piège est tendu comme un an avant dans les rues de Nantes, une grille antiémeute comme seul réceptacle à la détermination des manifestants, un écran blanc pour réduire la colère en spectacle. Dès cet instant la foule masquée et partiellement équipée pour le combat est mise face à ses propres contradictions. Subir ou choisir le lieu et le moment de l’affrontement. Tenir un point de cristallisation ou foncer la tête baissée dans un mur. Autant de questions irrésolues dans nos stratégies de lutte. Il existe des surgissements assez conséquents pour percer des dispositifs de la sorte, rien ne justifie pourtant de s’y acharner lorsqu’on est sûrs de perdre.

Une prise de parole publique de l’assemblée des blessés par la police permettra d’éviter le flottement indésiré et de charger de sens notre présence. La manif repart pour tenter sa chance ailleurs, après que le camion des bleus a été maculé d’un orange éclatant. Quelques conseils bien placés d’habitants du village nous conduisent ensuite devant une passerelle gardée par un dispositif beaucoup moins lourd. Une charge plus loin, les manifestants prennent possession de la passerelle avant de faire demi-tour. Un extincteur rempli de peinture pour inonder les visières des gendarmes, quelques pierres pour accompagner leur retraite et nous étions presque de l’autre coté de la rivière. Mais l’enjeu au fond n’était pas là. Notre but n’était pas de nous introduire dans l’usine, il nous reste à découvrir les gestes qui permettraient d’y faire autre chose que précipiter la catastrophe. Notre objectif était de la rendre visible et de bloquer sa production, ce qui était le cas ce vendredi.

A la veille de deux jours de discussions et d’action il fallait éprouver une certaine intelligence collective. Le slogan no tav « si parte, si torna, insieme » (on y va ensemble, on rentre ensemble) gagne progressivement l’ambiance du week-end. Après cette démonstration, nous remontons vers le camp et le temps d’une nuit de fête nous célébrons cette première journée.
Samedi 24 octobre 2015

Au matin du samedi, l’air est humide, les silhouettes émergent doucement des tentes dressées la veille dans le champ. La colline qui nous fait face abrite le bruit sourd de l’hélicoptère, et les 110 hectares de forêts qui recouvrent les bâtiments de l’usine. Les 4 km de grillage d’enceinte représentent la moitié de la superficie du village. C’est, croirait-on, le bois communal, mais que les habitants n’ont jamais pu visiter, la petite forêt arrachée par l’industrie de l’armement. La rivière, elle-même ravie aux habitants par l’usine, dessine une frontière matérielle entre le village et NobelSport, entre le camp et sa cible.

On se retrouve sous le barnum central, la cantine s’active, la radio pirate du camp (radio poudrière) diffuse les premiers entretiens de la veille. Au programme une présentation des armes de la police, d’une ambulance partisane comme outil pour faire face à d’éventuels blessés et pour poser plus généralement la question du soin dans nos luttes. Quelques habitants du coin nous racontent l’histoire de l’usine, avec ses explosions, ses risques industriels et ses accidents du travail. Ils nous parlent de son emprise dans la vie du village. L’occasion de délivrer quelques informations sur son fonctionnement, ses protocoles de sécurité, ses points de faiblesse. L’occasion de mettre à jour l’opacité de ce type d’industrie, de susciter l’envie d’enquêter sérieusement sur ces infrastructures pour pouvoir les atteindre au cœur dans des moments plus déterminants. L’occasion enfin de remplir les carnets de contacts, de faire grandir la confiance gagnée la veille, et d’imaginer dès à présent des nouveaux moments de blocage.

Plus tard, des discussions sur les dynamiques de lutte en Bretagne et la manifestation de Landivisiau le 14 novembre prochain, sur les convois pour la COP 21, nous amèneront jusqu’au soir, où une marche aux flambeaux doit rendre hommage aux tués et blessés par la police. Nous savons que nous allons trouver face à nous le même dispositif que la veille. Cette marche devient alors l’occasion de conjurer pour de bon son attraction.

Une fresque en hommage à Rémi, des chants et des lectures introduisent le départ. Lentement, 300 personnes descendent vers les grilles. Arrivée à l’entrée du pont la foule s’arrête, certains s’assoient sur la chaussée, d’autres pointent les visières des flics avec des lasers. Les lectures commencent et l’épais grillage de police se dissipe peu à peu. On entend les récits du harcèlement quotidien exercé contre les gendarmes sur la zad de Notre-Dame-des-Landes après l’opération césar, les histoires de résistance dans les montagnes italiennes contre le TGV Lyon-Turin, on insulte ensemble la ligne de gendarmes au rythme du récit. Puis le temps d’organiser le départ, on se déleste des fusées d’artifice, des boulons et des pierres comme pour crever l’écran. On finit même par mettre le feu à la toile.

Sur le retour, tenailles et grappins s’échangent dans le cortège. Nous longeons les grilles de l’enceinte. Certaines sont arrachées pendant que d’autres sont soigneusement découpées dans la hauteur. Une disqueuse à batterie entame une entrée secondaire de l’usine et les lacrymos pleuvent mais heurtent les grilles avant de retomber doucement en contrebas sur les flics désorientés. Les manifestants s’agrègent au croisement de la rue qui remonte au camp et d’un commun élan :
On y va ensemble, on rentre ensemble.
Dimanche 25 octobre 2015

C’est le dernier jour du week-end et la préfecture annonce la couleur. Un arrêté stipule qu’à partir de midi et jusqu’à minuit la gendarmerie procédera au contrôle et à la fouille de tous les véhicules qui sortiront de Pont-de-Buis.

Sur le camp tout est paisible, nous commençons à démonter les barnums et à discuter des suites à donner à cette histoire. Localement une perspective se dessine, celle d’approfondir le travail d’enquête sur NobelSport avec tous les habitants rencontrés pendant le week-end, et celle d’entrevoir le blocage de l’usine en cas d’intervention sur la ZAD. Cette dernière idée résonne avec la proposition de coordonner les actions de blocage prévues dans la région pour disperser les forces de l’ordre. On dit souvent qu’une expulsion de la ZAD mobiliserait assez de flics pour qu’ils n’aient pas les moyens de protéger d’autres sites ailleurs dans la région. NobelSport devient dans cette perspective une cible privilégiée comme le sont, à une autre échelle, les principaux axes routiers de l’ouest.

Une équipe reste sur le camp pour finir de ranger les structures tandis que le gros des campeurs s’emploie à retourner vers l’usine. Cette fois nous laisserons les grilles antiémeute derrière nous.

Le temps de s’engouffrer dans un bois, de longer les rails de la voie de chemin de fer sur un viaduc surplombant la Douffine et nous voilà de l’autre coté de la rivière derrière le dispositif que nous narguions la veille. Une vraie ballade de repérage qui a permis à 300 personnes de découvrir une partie des chemins d’accès au grillage de l’usine. Une fois encore nous rencontrons sur un carrefour et devant l’entrée de l’usine un lourd contingent de gendarmes prêt à en découdre. La longue file indienne de marcheurs forme un cercle pour une assemblée improvisée. Une retraite stratégique s’impose à tous avec l’intime sentiment que nous allons nous retrouver là à nouveau en d’autres circonstances. Le cercle de l’assemblée se disloque alors pour former une ligne qui fond sur la police dans une charge hurlante. Les flics hébétés tirent quelques lacrymos, le cortège s’ébranle de nouveau, hilare, après cette scène. Après un bref affrontement sur le chemin du retour sur un terrain plus propice, la longue marche retourne vers le camp démonté.

La journée aurait pu s’arrêter là, mais les déclarations préfectorales du matin nous encouragent à une retraite plus flamboyante encore. On y va ensemble, on rentre ensemble.

La centaine de véhicules tournée vers l’entrée du camp fait gronder les moteurs, et traverse le village sous les nombreux saluts de habitants : ils ont compris que nous reviendrons, et ils semblent s’en amuser. Plus loin, les gendarmes nous bloquent, les passagers sortent des voitures, enfilent leurs capuches et presque aussitôt les portes s’ouvrent. La 4 voies est à 1km de là et le bruit court déjà que s’il nous bloquent on va la bloquer à notre tour.

Le long serpent de lumière s’arrête une dernière fois à la sortie du village, le temps de s’assurer que tout le monde est bien là, et le camp se dissipe au loin. On y va ensemble, on rentre ensemble.

Récit du week end de Pont-de-Buis, un an après la mort de Rémi Fraisse
23-24-25 octobre : grande réussite du week end d’actions contre l’armement de la police !

(texte retrouvé sur Indymedia Nantes)

C’est au fin fond du Finistère, dans un vallon verdoyant et humide qu’est implantée l’usine qui fabrique les armes de la police : Nobel Sport, producteur de grenades lacrymogènes, de balles en caoutchouc tirées par la police, et de balles de chasse.

Un an après la mort de Rémi Fraisse à Sivens, au cœur de l’automne, ce ne sont pas moins de 300 à 500 personnes chaque jour, venues de toute la France et de l’étranger, qui se sont retrouvées sur un campement situé à la sortie du bourg de Pont-de-Buis.

– Vendredi, 14H : les premiers manifestants se regroupent sur la place de la gare, déserte et survolée par un hélicoptère de la gendarmerie. La préfecture et les médias ont annoncé un déploiement policier massif : toute une partie du village est bouclée. Malgré les barrages, près de 500 personnes se retrouvent et démarrent en cortège en direction d’une des entrées de la poudrerie classée « SEVESO haut ». Une radio pirate, « radio poudrière », émet sur la zone pour diffuser des informations le déroulé du week end en temps réel.

Quelques taggs sont tracés en chemin : « Nobel Sport, marchand de mort », « De Paris à Tunis, désarmons la police ! », « SEVESOcialisme mortifère » alors que des slogans, des chants, et de la musique résonnent. Tous les ponts du bourg sont bloqués par des barricades policières et des canons à eau : le premier barrage croisé par la manifestation est repeint, peu après une prise de parole et une conférence de presse de l’Assemblée des blessés par la police. La manifestation repart, et s’oriente vers une petite passerelle vulnérable, indiquée par un habitant de Pont-de-Buis solidaire. Sur le ponton, un cordon de gendarmes doit reculer sur plus de 20 mètres après avoir été repeint en bleu, sous la pression de la tête de cortège et de quelques feux d’artifices, avant de faire pleuvoir des grenades lacrymogènes. La manifestation repart vers un champ qui servira de campement tout le week end. Le site est beau et le climat plutôt clément. Là bas, cantines autogérées, débats, fest-noz et buvette permettent à chacun-e de se réchauffer. Et toujours le bruit de l’hélicoptère, jusqu’à la nuit.

– Samedi, la journée est consacrée à des échanges. Le premier débat se concentre sur les armes de la police. Ce sont des blessés et des habitants de Pont-de-Buis qui introduisent les discussions. Parmi la grosse centaine de personnes qui débattent, on se traduit à voix basse les interventions dans plusieurs langues : espagnol, allemand, anglais. Une série de questions sont abordées. Comment, depuis 20 ans, le maintien de l’ordre se militarise ? En quoi l’industrie des armes policières et militaires est un marché florissant dont la France est l’une des championnes ? On y apprendra que l’usine Nobel Sport a déjà semé la mort dans le village de Pont-de-Buis, lors d’une explosion en 1975 ou à l’occasion d’accident réguliers qui touchent les gens qui y travaillent. On y entendra que 90% de la production est destinée à l’exportation, pour réprimer celles et ceux qui se révoltent partout autour du globe. On découvre la notion « d’armement rhéostatique » : pour chaque arme, les institutions peuvent décider du degré de létalité. Allant de la blessure à la mort.

Plus tard, des habitant-e-s du Finistère viennent raconter les luttes de territoire qui se multiplient : contre une centrale à gaz, contre des projets de mines, contre l’extension d’une base militaire, contre l’extraction de sable … La Bretagne est une terre de lutte, et à Pont-de-Buis même, nombreux seront les habitants qui, malgré la situation angoissante crée par la gendarmerie, témoigneront de leur sympathie pour les actions menées. Il y aura aussi, plus tard, des échanges sur la COP 21, et l’industrie de la violence en Israël.

En soirée, une marche aux flambeaux s’élance à nouveau dans le village, après une veillée aux lampions et des chants de lutte. Devant l’un des barrages, les policiers voient, médusés, une foule de plus de 300 manifestants s’asseoir pour écouter des lectures sur les luttes de Notre-Dame-des-Landes et du Val de Susa. Puis, quand le cortège repart, subitement, le dispositif reçoit une grêle de projectiles puis prend feu après avoir reçu feux d’artifices et coktails molotovs, et répond par une généreuse salve de gaz. Plus haut, de larges portions du grillage de l’usine tombent alors qu’un portail est en partie démonté. Les policiers présents dans l’enceinte de l’usine ripostent à l’aveugle par des grenades assourdissantes et lacrymogènes. Le cortège rentre au camp, sans qu’il n’y ait de blessés ni d’interpellés, après avoir démontré la vulnérabilité du site. Contrairement à ce qu’écrivent la presse et la préfecture, la poudrière n’est pas « inatteignable ».

– Dimanche 25 octobre, cela fait un an précisément que Rémi Fraisse a été tué. Une longue marche à travers champs, forêts et ruisseaux permet à plusieurs centaines de personnes de déjouer tous les dispositifs policiers pour atteindre l’entrée principale de l’usine d’armement. Devant le grand portail, une importante rangée d’armures, de canons à eaux, de véhicules tactiques. Les forces de l’ordre s’attendent à l’affrontement final en pleine prairie. Après un quart d’heure d’hésitations, une fausse charge est lancée par les manifestants hilares, sur une dizaine de mètres. Les gendarmes, visiblement impressionnés, bombardent le champ de gaz au bout de quelques secondes. A l’évidence, la peur a changé de camp. Le cortège décide de repartir sans chercher une confrontation perdue d’avance devant les grilles, et repart vers le camp non sans taquiner les différents dispositifs rencontrés en route, qui répondent par des jets massifs de gaz lacrymogène.

– Dimanche soir, dernière victoire du week end. Alors que la préfecture avait annoncé sa ferme intention de fouiller et contrôler tous les véhicules, et de procéder à des interpellations, un immense convois de voitures s’élance du camp vers la voie rapide. Les clients d’un kebab et d’un PMU saluent le convoi qui klaxonne en signe d’au revoir dans les rues de Pont-de-Buis. Un check point avec des unités anti-émeutes, survolé par un hélicoptère, est déployé à la sortie du bourg. Face à la détermination du convoi, – une immense colonne de véhicules en rangs serrés, entourée de manifestants prêts à se défendre – le chef des gendarmes est obligé de rappeler ses hommes, solidement armés et hors d’eux, pour éviter l’embrasement. Il n’y aura aucun contrôle ce soir.

Tout au long du week end d’action, les plans de la police ont été déjoués, sa violence évitée, son contrôle esquivé. C’est le plus bel hommage qui pouvait être rendu à toutes celles et ceux qui ont subi la violence d’État.

– Une vidéo de Taranis News sur la journée du vendredi : https://www.youtube.com/watch?v=5zESODqqb2s

– Un bon récit de Reporterre : http://www.reporterre.net/Dans-le-Finistere-une-manifestation-calme-pour-denoncer-l-usine-a-grenades

– Article dans CQFD à propos de l’usine d’armement de Pont-de-Buis :
http://cqfd-journal.org/Pont-de-Buis%E2%80%89-la-poudriere
FIL INFO :
Samedi 24 octobre :

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Voici un récit de la matinée

Ce matin, nous étions nombreux rassemblés sous le barnum du campement installé à quelques pas de Pont-de-Buis, à quelques pas de l’usine Nobel Sport, marchand de mort.

Les débats commencent avec une présentation des nouvelles armes de la Police, notamment le Flashball superpro et le LBD 40 dont l’usine Nobel Sport construit les projectiles.

Débats où l’on a appris parmi d’autres choses…

Comment, au milieu des années 90, sous l’impulsion de Guéant puis de Sarkozy, le flashball a été introduit dans certains corps de police, et son utilisation généralisée.

Comment son usage a opéré un glissement vers un maintien de l’ordre offensif. On ne se contente plus de contenir les corps, on les frappe, on les mutile.

Comment la police se militarise. Les mêmes armes et les mêmes techniques y sont utilisées et participent de la même économie.

Comment Nobel Sport fabrique des gaz lacrymogènes interdits par la convention de Genève, afin de les envoyer hors des frontières de l’Europe, sur le marché mondial. Ces dernières ont été exportées au Burkina Fasso pour réprimer les opposants à Blaise Campaoré.

Comment l’usine Nobel Sport passe de 110 employés à 200 voir 300 quand une révolte éclate quelque part dans le monde. Trois chaînes de production sont mises en place et tournent en permanence sur le rythme des trois huit.

Comment des blessé.es au Flash-Ball et au LBD 40 se sont organisé.es en assemblée pour s’entre-aider.

Comment être blessé.e, mutilé.e par un tir de LBD ou de Flashball, c’est immédiatement après faire face aux médias, à la police, à la justice et aux regards des autres.

Et comment il est nécessaire de se rassembler pour y répondre.

0ù l’on a appris que « désarmer la police » voulait aussi dire éradiquer dans les têtes, dans les mentalités, l’idée que la police protège.

Où l’on a appris ce qu’est « l’armement rhéostatique ». Pour chaque arme, les institutions peuvent décider du degré de létalité. Allant de la blessure à la mort.

Le débat a continué sur la présentation de l’ambulance partisane.

Il s’agit d’un véhicule où l’on peut venir se faire soigner pendant une mobilisation. Où l’on peut apprendre et partager les gestes des premiers secours.

Cette ambulance commencera bientôt une tournée à laquelle chacun.e peut participer pour échanger, se réapproprier ces gestes ainsi que les techniques et savoir-faire concernant le soin.

Et qu’il est possible de les contacter à l’adresse suivante : medecine@riseup.net

Le débat s’est fini sur une histoire de l’usine Nobel Sport.

Où l’on a appris qu’en 1975, l’usine a explosé soufflant toutes les maisons alentour, tuant trois personnes et en blessant 80 autres. Ce qui provoqua un départ important des habitants de Pont-de-Buis.

Où l’on a appris que Pont-de-Buis était une ancienne poudrière royale privatisée dans les années 80. Et qu’un administrateur de Nobel Sport et aussi administrateur de Vinci.

Où l’on a appris que l’usine occupe 100 hectares et 20 kilomètres de routes. À cause de cela, l’accès à la forêt et à la rivière sont interdits aux habitants.

On a appris plein d’autres choses, mais le mieux serait quand-même de nous rejoindre pour continuer à discuter entre-autre des luttes en cours dans le Finistère (Centrale à Gaz, Extraction minière, Méthaniseur et extraction de sable dans la baie de Morlaix.) et participer avec nous aux différentes mobilisations.

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Articles de presse dans L’express, Le Telegramme, Ouest France, France24

Récit de la suite de la journée

Samedi, après les discussions de la matinée, on discute sur le campement de la lutte contre la centrale « à cycles combinés à Gaz » à Landivisiau et de la manifestation samedi 14 novembre organisée par des collectifs en lutte contre des projets d’aménagement en Bretagne :

Appel pour une manifestation avec les collectifs en lutte le 14 novembre à Landivisiau

Tandis que les situations économiques, sociales et environnementales se dégradent chaque jour, la seule réponse des gouvernants est une fuite en avant. En imposant de nombreux projets (centrale à gaz, mines, forages, aéroports, méthaniseurs industriels…) sans considération pour la planète ni pour les populations, ils démontrent par là-même qu’ils ne prennent pas conscience des bouleversements en cours.
Réunis à l’initiative de l’association ” Landivisiau doit dire non à la centrale “, nous qui sommes issus de plusieurs associations et collectifs de lutte, nous nous levons et crions ASSEZ !

…à la gestion imposée et la destruction des territoires :
L’état et les groupes financiers, avec ou sans relais locaux, tentent de faire passer en force des projets élaborés dans des bureaux bien loin des besoins des territoires concernés. Leur irresponsabilité et leur incohérence vis-à-vis des enjeux climatiques et sociaux nous mobilisent ici, de la même façon que pour les pays où l’on pille les ressources.

Ces luttes, contre des projets d’aménagement du territoire, touchent précisément à la question de l’urgence climatique actuelle.

On a alors parlé de la COP21, des convois des territoires en lutte qui doivent converger à pied, à vélo, en tracteur, du sud, de l’ouest et de l’est. Certains sont même déjà partis. On a parlé des préparatifs en cours en région parisienne pour accueillir des gens venus du monde entier. On s’est échangé quelques adresses, quelques contacts pour continuer à organiser cela.

Pour Paris: : cop21@riseup.net

Pour NDDL: mslcnddl@riseup.net

Et pour les infos en général: marchesurlacop.noblogs.org

Le gros du convoi partira le 21 novembre de Notre-Dame-des-Landes pour arriver le 28 aux portes de Paris.

Il sera essentiellement constitué de cyclistes. Des tracteurs et quelques véhicules transporteront les personnes ne pouvant pas faire un long trajet à vélo, ainsi que la logistique.

(…)

Nous cheminerons depuis Notre dame des landes avec toute l’énergie du mouvement anti-aéroport, en créant en route des espaces de rencontres et de mobilisation. Comme de nombreux habitant-e-s, paysan-ne-s, migrant-e-s d’autres parties du monde qui subissent déjà en première ligne les conséquences du réchauffement climatique, nous savons que notre salut ne viendra pas des échanges de marchés carbones entre lobbies industriels et gouvernements, encore moins du capitalisme vert. Nous voulons participer à une reprise en main, par les populations et mouvements de lutte, de l’avenir de la planète.

Il est temps de sortir enfin du productivisme industriel, de la privatisation des biens communs, de la destruction des terres nourricières et de la marchandisation du vivant. Pour qu’émergent des possibles, à Notre dame des landes comme ailleurs, il s’agit de bloquer concrètement dès maintenant l’avancée de leurs projets nuisibles, imposés et climaticides. Il faut continuer à libérer des espaces où puissent s’inventer, ici et maintenant, d’autres formes de vie commune, de cultures et d’habitats tels qu’ils s’expérimentent aujourd’hui à Notre Dame à landes.

Enfin, on s’est arrêté de discuter pour manger. Big up aux cuisiniers et cuisinières qui ont nourri plus de 150 personnes pendant trois jours. Pendant ce temps, on finissait de construire une structure en bambous sur laquelle était accroché des centaines de lampions. En s’éloignant, une fois la structure levée, après un temps de chansons, on pouvait y lire le nom de Remi, ton nom brille dans la nuit.

La nuit tombe et nous partons pour une marche au flambeau dans Pont-de-Buis, avec un petit ampli à bretelles qui donne le ton, vers l’usine d’armement Nobel Sport, marchand de mort et pas de sport. À l’entrée de la route, encore une fois, la police barre l’accès à l’usine avec ses hautes grilles anti-émeute. Le décor est planté, le spectacle va pouvoir commencer… On lit des textes, des récits de lutte à Notre-Dame-Des-Landes, et dans la vallée No-Tav du val de Susa. Les manifestants et manifestantes dans la nuit, face à la police, écoutent attentivement. Cela dure et puis cela s’arrête. On crie, on hurle au loup, on allume des pétards, on secoue les grilles anti-émeute et on remonte doucement. Sur le trajet du retour, aux rythmes de cumbia et d’electro rap, quelques grilles de l’Usine seront arrachées Les policiers présents ne pourront rien y faire, la poudrière n’est pas si inatteignable.

On rentre au campement ensemble, et de nouveau l’on mange. Big up aux cuisiniers et cuisinières qui ont rassasié tout cette troupe encombrée.

On enchaine sur un film, le business de la répression as usual made in Israel, avec comme terrain d’expérimentation la Palestine, et comme marché le monde entier.

Le business de la mort en toute fraternité, les flics et militaires du monde entier uni pour flinguer…La soirée se prolonge ensuite, autour de la bière et des braseros, sous le barnum au sol de paille.

Au lendemain matin, le démontage du camp se fait rapidement, et l’on discute de la suite de la journée ainsi que de la coordination d’actions de résistances et de blocages en cas d’attaque de la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes à l’hiver ou ensuite.

grilles au lendemain
grilles au lendemain

grilles au lendemain
grilles au lendemain

Hommage a Remi
Hommage a Remi

Vendredi 23 octobre :

20h45 : Voici un récit de la journée à Pont-de-Buis

Donc, le week-end de mobilisation contre l’usine d’armement de Pont-de-Buis a commencé.

Cela a commencé sur les ondes, avec radio Poudrière (98,6) qui diffuse en continu les infos sur la mobilisation.

Cela a commencé avec d’énormes Dazibao en papier mâché représentant les fameuses armes et munitions avec lesquelles la police mutile et tue.

Cela a commencé avec le champ prêté par un habitant de Pont-de-Buis sur lequel le campement se trouve en ce moment.

Cela a aussi commencé avec les barrages filtrants, les routes barrées tenues par les gendarmes qui ont ralenti pas mal d’entre nous sur le chemin de Pont-de-Buis.

Et bien sûr, l’impayable hélicoptère qui ne nous lâchera pas de la journée.

On se retrouve finalement 400 personnes dans le centre de Pont-de-buis.

Quelques tags : « Face à la police, légitime défiance. » « Nobel sport, noble mort. »

Quelques slogans : « Les policiers à la vaisselle, les Flash-ball à la poubelle. » « Nobel Sport, marchand de mort ».

Et puis une grande, très grande banderole peinte sur lequel on reconnaît le visage de Rémi Fraisse avec l’inscription : « Rémi, présent dans nos luttes. »

Après une heure, le cortège s’ébranle.

La police nous attend sur le pont qui mène à l’entrée de l’usine avec canon à eau et grille anti-émeute. Devant les grilles, au milieu des slogans, des tags et des jets de peinture, l’assemblée des blessées qui réunit des personnes blessées, par des tirs de Flash-ball et de LBD 40 tiendront comme ils l’avaient prévu, une conférence de presse.

Impossible d’aller plus loin. Les gendarmes nous cantonnent dans le centre ville.

C’est une interdiction de manifester de fait.

Depuis la mort de Rémi Fraisse, le gouvernement remet régulièrement en cause le droit de manifester en pratiquant des arrestations préventives, en bloquant les manifestants dans de gigantesques nasses, etc.

Le préfet dit ne pas avoir interdit la manifestation, mais il a mis tout en place pour empêcher son déroulement.

On tente un peu plus loin, mais on tombe sur un autre barrage. On est repoussé par des gaz lacrymogène.

On revient dans le centre.

Entre temps, de nombreuses personnes nous ont rejointes. Nous partons vers le camp en colonne motorisée.

Le Week-End continue.

Ce soir par un festnoz.

Samedi par une journée de discussions.

Dimanche par une journée d’action.

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« à emporter sur place »
« à emporter sur place »

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une partie de l’usine Nobelsport au loin

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un poème écrit par le père de Rémi Fraisse, lu au départ de la manifestation de Sivens & à Pont-de-Buis:

J’ai fait un rêve

J’ai fait un rêve Rémi, tu nous quittes dans un faisceau lumineux.

J’ai fait un rêve Rémi, la renoncule à feuille d’ophioglosse fleurit sur toutes les zones humides qui se multiplient partout en France.

J’ai fait un rêve Rémi, l’humour et le détachement de soi sont à l’intérieur de nous tous.

J’ai fait un rêve Rémi, plus jamais la France ne se mutilera avec des grenades offensives.

Que ta mémoire, Rémi, soit le gardien de l’interdiction de ces armes.

Je ne rêve plus.

Texte de Jean-Pierre Fraisse, père de Remi Fraisse, lu au début de la manif.

19h40 : la manifestation s’est terminée, tout le monde s’est dirigé vers le camps, où il y a un repas ce soir.. suivi par un FEST NOZ, crèpes, bar,…! Parking, camping sur place, dans le champs (merci de ne pas se garer devant chez les voisins)

ouest france a fait un suivi en direct de la manif : http://www.ouest-france.fr/manifestation-pont-de-buis

12h45 : Le camp contre l’armement de la police est bien installé, vous pouvez appeler le 0677670242 pour le rejoindre. Le camp ce situe au niveau du hameau ‘Lanvélé’.

Depuis la 4voies Quimper-Brest N165, prenez la sortie 61 (la première sortie Pont-de-Buis en venant de Quimper. Attention, il y en a deux!). Au stop, prenez la direction Pont-de-Buis (D770). Continuez tout droit, jusque dans le bourg. Tournez à droite (Rue de la Promenade) avant d’arriver à la gare de Pont-de-Buis, puis continuez tout droit dans la Rue du Poulhi. Le camp sera indiqué, elle se situe juste avant le virage au niveau du hameau de Lanvélé.

– Contrôle de véhicules sur le D770 (première sortie depuis la 4voie en venant de Nantes) au rond point avant le CASINO. Et toujours sur la D770 au niveau de la route qui mène à l’entrée de l’usine.

– Ouest France signale que :  » Les principales artères menant à l’usine vont être barrées. Le site Internet de la mairie annonce que toute circulation et stationnement sont proscrits dans les rues du Beuzit et Squiriou jusqu’au lundi à 9 h. Les habitants sont aussi invités à se munir de papiers d’identité ou d’un justificatif de domicile. » (Article en entier sur http://www.ouest-france.fr)
Jeudi 22 octobre :
Attention : un communiqué de la mairie de Pont-de-Buis indique de très probables contrôles aux entrées du village !
restriction circulation

Il s’agit évidemment d’éffrayer la population, à qui nous rappelons que la manifestation n’est pas contre les habitants de Pont-de-Buis, mais veut s’attaquer à l’industrie d’armement, à Pont-de-Buis, comme ailleurs !

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vidéo sur NOBELSPORT : https://www.youtube.com/watch?v=dHkjIZav0n8

sur facebook : 23-24-25 octobre : week end contre l’armement de la police

voici un tract écrit par des habitants de Pont-de-Buis : tract avis à la pooulation

article dans CFDQ : http://cqfd-journal.org/Pont-de-Buis-la-poudriere

communiqué de l’Assemblée des Blessées : https://blogs.mediapart.fr/blog/assemblee-des-blesses/

article dans Ouest France : 12088214_155791138105265_553971383237394525_n

Le 25 octobre 2015, un an après la mort de Rémi Fraisse, nous organisons un week-end d’actions contre l’usine Nobelsport fabricant de grenades lacrymogènes et de balles de défense. L’objectif est simple :

– Mener une percée dans l’imaginaire en cherchant de nouveaux points de vulnérabilité de la police et mettre en lumière la source des armes qui mutilent et tuent nos compagnons de lutte, ici en France et sur toute la planète.

– Apprendre ensemble les techniques collectives pour bloquer ce type d’industrie.

L’histoire aura voulu que ce début d’année 2015 marque un tournant majeur dans l’image dégradée des forces de l’ordre après 10 ans de mutilations et d’assassinats répétés.

Dans la rue d’abord, les soubresauts estudiantins des années 2000 sont venus s’ajouter à la colère des banlieues. Tous deux ont mis à jour l’un des aspects principal du maintien de l’ordre : une force essentiellement dissuasive qui le cas échéant contient l’affrontement dans un dispositif qu’elle a préméditée.

Dans les bocages plus récemment, la résistance aux projets d’infrastructures a eu raison un temps du savoir faire français en matière de contrôle d’un territoire. Les gendarmes se sont littéralement embourbés à Notre-Dame-des-Landes et leur naufrage a eu pour conséquence prévisible un usage frénétique de leurs armes entraînant de nombreuses blessures, et le 25 octobre 2014, la mort de Rémi Fraisse sur la Zad du Testet.

Dans la presse enfin, les experts de la sécurité intérieure ont subit l’un des plus gros échec de leur courte histoire en 2008 avec l’affaire de Tarnac. La figure construite de toutes pièces de l’ennemi intérieur devenait en quelques semaines le tombeau de ceux qui l’avaient brandie comme un épouvantail. Exit MAM, Fragnoli, exit les barbouzes de la DCRI chacun d’eux est sorti par la petite porte.

Et si on a perdu l’habitude des petites guerres sales menées aux confins des services de la sécurité intérieure, l’affaire Tarnac relève le niveau. Comme cette histoire en 2009 de disparition d’un militant basque, Jon Anza, dans un train pour Toulouse, qui réapparrait un an plus tard, anonyme, dans une morgue.

Puis, contre toute attente, un attentat frappe le siège de Charlie Hebdo aux premiers jours de l’année 2015. Plusieurs policiers meurent à cette occasion. Branle bas de combat international, tout est mis en œuvre pour orchestrer une des plus spectaculaires mobilisations des dernières années. Le peuple se dresse derrière sa police, et la lourde ardoise accumulée depuis plus de dix ans s’efface presque aussitôt. Des centaines de milliers de personnes défilent auprès de plusieurs chefs d’état et acclament les snipers qui sécurisent la manifestation. Belle démonstration de force de l’antiterrorisme qui trouve enfin sa traduction populaire. Et dans les deux mois qui suivent cet événement morbide, l’état répond méthodiquement à chacune des erreurs qu’il a accumulé.

Le 6 mars 2015 la Zad du testet est expulsée par 200 Paysans de la FNSEA accompagnés par un lourd contingent de gendarmes venu avec une douteuse position de neutralité afin d’ éviter l’escalade de la violence.

En mai 2015, le tribunal de grande instance de Paris rejette le recours civil de la famille de Jon Anza, tout en reconnaissant « un dysfonctionnement au niveau de l’enquête tant de la part de la police que du parquet », mais « pas de faute lourde ».

Le 18 mai, les deux policier responsables de la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois en 2005 sont relaxés après 10 ans de procédures.

Le 7 du même mois, la presse annonce la tenue d’un procès en antiterrorisme dans le cadre de l’affaire de Tarnac pour trois des inculpés.

Au même moment la commission parlementaire créée par Noël Mamère suite à la mort de Rémi Fraisse, louvoie sur les moyens accordés à la police et entérine leur nouvel armement. Conséquence directe, au flashball se substitue le LBD (Lanceur de balles de défense), plus précis et plus puissant que son prédécesseur.

Et pour couronner le tout, une proposition de loi sur le renseignement légalise toutes les techniques de surveillance que la police pratiquait dans l’ombre. Le message a le mérite d’être clair, plus rien ne viendra entraver l’exercice du maintien de l’ordre, dont l’imaginaire rénové concède à chacun de ses agents la plus respectable des fonctions : celle de protéger la population contre le chaos organisé. Ce que le message oublie de préciser c’est que pour le pouvoir, le chaos organisé qu’il faut conjurer n’a pas grand-chose à voir avec le spectre réinventé de Ben Laden, mais repose dans toutes les manières de vivre, d’habiter, de se rencontrer, de s’organiser qui échappent aux grilles d’analyses du présent.

Aujourd’hui pourtant, il n’est de secret pour personne que la police tue, elle tue tous les ans, à plusieurs reprises, avec les mêmes armes et sous la même autorité, et quand elle ne tue pas elle mutile. Si cette vérité est depuis longtemps d’une banalité affligeante dans les banlieues françaises, elle restait inexistante dans les manifestations.

Depuis la mort de Malik Oussekine en 86, le maintien de l’ordre à la française faisait office d’exemple pour toute l’Europe. Un savoir-faire irréprochable, disait-on, conjugué à un armement fiable bien que de plus en plus létal. En 10 ans et sur différents terrains de lutte, cette maîtrise si fièrement publicisée a fait l’épreuve d’une détermination nouvelle, et surtout d’une extension du champ de l’affrontement. Incendies et saccages dans les banlieues, confrontations dans les bocages, généralisation des techniques de blocage jusqu’à certains cadres de la CGT, sabotages d’outils de travail, de lignes haute tension, les occasions ne manquent pas pour les autorités de se mesurer à des formes de contestation plus hétéroclites. Depuis dix ans maintenant la police ne cesse de réajuster ses méthodes d’intervention et chaque nouveau conflit, chaque revers encaissé est une occasion pour elle d’améliorer sa capacité d’intervention, d’affiner sa doctrine.

Un rapport récent indique à ce propos que l’utilisation des grenades offensives est circonscrite en France à trois types de territoires, les banlieues, les dom tom et les zad. Ce que les pouvoirs se complaisent à qualifier zone de non-droit semblent bénéficier d’un statut particulier et deviennent de véritables laboratoires pour les autorités.

Après les banlieues, les usines, les facs, les lycées, c’est au tour des Zad et de leurs ramifications urbaines d’être l’un des principaux objets d’étude des entrepreneurs de la sécurité.

Dépasser la peur

Il faut reconnaître une certaine tétanie dans les mouvements de lutte face à l’effet ravageur des armes du maintien de l’ordre et à leur usage devenu presque systématique. Si nous étions surpris de voir si peu de monde descendre dans la rue suite à la mort de Rémi, nous l’étions moins de constater les clivages que cette séquence a fait ressurgir dans les mouvements. La crainte plus ou moins fondée de voir se répéter dans les manifs anti répression le même dispositif d’affrontement entraînant les mêmes conséquences, a eu raison de la réaction massive à cet assassinat. Planait comme un sentiment d’abandon pour ceux qui descendaient dans les rues et de dépossession pour ceux qui craignaient les débordements, les blessures etc. La police, elle, s’est contentée de boucler intégralement les centre-villes et d’alimenter le sentiment de crainte par assauts médiatiques successifs.

Cependant, une chose importante et significative s’est produite. Bien que la peur couvrait d’un épais nuage l’atmosphère des manifestations de l’automne, chacune d’entre elles comme à Nantes et Toulouse rassemblait de plus en plus de monde. Et seul le temps et la répétition jouaient contre les manifestants. Il y avait là une colère contenue qui cherchait ses formes d’expression entre prises de rue, blocages de gendarmerie et d’usine d’armement.

La peur est un sentiment paradoxal qui appelle à la fois au replis, à la fois au dépassement. La première réaction, la plus courante produit en substance ce qui fait mourir les luttes ou qui les maintient dans un certain état d’agonie. Chaque peur prend le pas sur l’élaboration. Celle de devoir assumer des pratiques d’affrontement, celle de voir des compagnons de lutte se dissocier de certains actes, celle de trahir son identité politique, et bien d’autres encore.

Toutes ces peurs sont la conséquence en même temps que le moteur de la répression. Elle mettent en lumière ce qui depuis une fragilité de composition ouvre une brèche pour amoindrir la puissance d’un mouvement.

Le meilleur rempart à ce type d’effet c’est de trouver les conditions pour construire une forme de confiance commune, qui n’efface pas les désaccords mais qui prend acte de certaines nécessités stratégiques dans une lutte qui se confronte à un appareil d’état. En somme, la confiance qui nous a permis de repousser 2000 flics en 2012 sur la ZAD, de bloquer en 2011 un train de déchets nucléaires pendant plusieurs heures, d’amener 500 tracteurs dans les rues de Nantes, ou encore de mettre en échec des rafles de sans papier comme à Montreuil.

Il n’y a pas de fatalité derrière les obstacles que nos histoires traversent, il n’y a que des dépassements possibles.

Déplacer le conflit

On le sait, la question du conflit est un des nœuds indémêlables des luttes que nous menons ensemble. Certains le situent sur le terrain juridique, d’autres sur celui des média et de l’opinion publique, d’autres encore sur le terrain de l’action dans la rue, et les clivages ne manquent pas à ce propos.

Reste que beaucoup semblent d’accord pour prétendre qu’une certaine composition entre toutes ces idées produit de la puissance, une puissance capable de défaire les plus audacieuses percées du maintien de l’ordre.

Ce que la conjonction de ces formes permet, c’est d’extraire chacune d’entre elle de son isolement propre.

Réduire le conflit politique à l’affrontement de rue, c’est au mieux avoir l’impression de faire peur au pouvoir, au pire perdre un œil ou la vie.

Assumer une foi sans limite dans « l’opinion publique » c’est abandonner aux journalistes la manière d’énoncer nos idées et leur laisser le monopole de la pensée politique.

S’en remettre à la justice c’est faire preuve d’une croyance aveugle dans une indépendance consumée depuis les premières minutes de sa création.

Pourtant, conjuguer par exemple ces trois dimensions c’est donner les moyens à chacune de soutenir le rapport de force qui lui est imposé. Le soutenir en déplaçant les termes du conflit.

Le maintien de l’ordre ne trouve sa puissance que lorsqu’il a face à lui une force qui se soumet à la symétrie qu’il impose ou parfois qu’il supervise (comme à Sivens récemment).

Déplacer le conflit ne signifie pas qu’il faut renoncer aux pratiques de luttes qui ont fait notre force, il faut en revanche les sortir de l’isolement que l’autorité leur impose. Contourner un dispositif plutôt que le prendre de front, utiliser le droit pour mettre en lumière les irrégularités d’une opération de maintien de l’ordre et la ralentir en conséquence, déjouer à l’unisson les figures médiatiques fabriquée de toutes pièces, bref ramener à soi chaque possibilité comme des options stratégiques plutôt que comme des vérités immuables. L’industrie de l’armement en France a cette double particularité d’être à la pointe des exigences internationales en matière de maintien de l’ordre tout en bénéficiant d’une relative opacité sur la destination de sa production. Pourtant, si en Grèce ceux qui subissent quotidiennement la police sont bien en peine de pouvoir s’attaquer aux producteurs d’armement c’est parce que les armes qui servent à les mutiler viennent de chez nous. Aussi la mort d’un adolescent lors de l’anniversaire de l’occupation du parc Gezi en Turquie il y a un an provient de l’explosion d’une grenade française. Partout et jusque dans les insurrections arabes l’industrie de l’armement français produit le même désastre. Mettre en lumière l’existence de ce type d’industrie n’est rien d’autre que commencer à la sortir de la niche dans laquelle elle est logé et trouver les moyens pour la bloquer.

Pratiques de lutte

S’intéresser au fonctionnement de la police, comme de la justice, y trouver des failles, et les partager, savoir ce qu’ils mangent, comment ils se déplacent, qui les arme et comment ils s’arment, c’est autant de questions que nous souhaitons nous poser pour chercher des manières d’agir. Connaître ces failles pour pouvoir aussi, à un moment opportun, être capable d’amoindrir la capacité de nuisance de ce type d’industrie.

L’idée de se retrouver à Pont de Buis remonte à décembre dernier où suite aux manifestations répondant à la mort de Rémy Fraisse, nous étions plus de 200 à nous être retrouvés devant les portes de Nobelsport sans trop savoir ce qu’il y avait à l’intérieur. Cette expérience nous a appris une chose. Il a suffi d’être ce nombre à tourner autour des grilles d’enceinte de l’usine pour bloquer sa production. Là réside toute la limite d’un site de production d’explosifs soumis à une réglementation drastique. Une simple présence hostile suffit à interrompre la production. Aujourd’hui nous souhaitons aller plus loin dans l’expérimentation des pratiques de blocage de ce type d’industrie. Comment fonctionnent les unités de production, quelles routes empruntent les transporteurs, pour se rendre sur quels sites de stockage, en somme, mettre à jour la petite économie secrète que constitue l’armement de la police et trouver les moyens de la perturber.

Et Nobel Sport dans tout ça

Nobel Sport, c’est une des grandes boîtes de production d’armement de maintien de l’ordre qui existent en France, elle gère la poudrerie de Pont de Buis depuis 1996 et y fabrique pêle-mêle, grenades, cartouches etc. Elle arme non seulement la police mais aussi l’armée et vend ses produits à divers pays étrangers. Quatre établissements sont répartis sur tout le territoire, dont le siège à Paris. La société est dirigée par un ensemble de sept actionnaires évoluant entre l’industrie de l’armement et la finance. C’est une boîte parmi d’autres, nous verrions autant de sens à cibler Alsetex dans la Sarthe ou Verney Carron à Saint Etienne, comme d’ailleurs toutes les sociétés qui équipent les forces de l’ordre, de l’uniforme jusqu’à la peinture des camions. Le site de production représente environ la moitié de la superficie du village, soit plusieurs kilomètres de grillages d’enceintes. Il s’inscrit dans un territoire longtemps dévolue à l’industrie du maintien de l’ordre. École de gendarmerie de Chateaulin, base de sous-marins nucléaires de l’île longue, la présence des autorités ne manque pas dans cette région. Ce que l’on connaît de cette usine, à part son implication historique dans les menées guerrières de Louis 14, c’est la triste réalité d’une industrie hautement explosive, emportant régulièrement avec elle la vie de quelques ouvriers ou les fenêtres des maisons. Les deux moments qu’on retiendra entre 1975 et aujourd’hui laisse quelques sueur froides à qui veut bien imaginer ce que peux signifier vivre à coté d’une usine à poudre.

Collectif Pont-de-Buis 2015Vidéo du samedi soir :

Texte sur lundi.am :
Pont-de-Buis, octobre 2015.
On y va ensemble, on rentre ensemble.

Voilà deux semaines que nous annoncions la tenue d’un festival contre les armes de la police à Pont-de-Buis, petite bourgade du Finistère. Voilà plusieurs années que la police blesse ou mutile régulièrement des manifestants ou de simples badauds lors d’opérations de sécurisation de l’espace public. Qui ne connait pas un cousin éborgné par un tir de flashball « maladroit » ? En France, c’est (entre autres) l’entreprise Nobelsport qui élabore et vend ces armes. « Bon vivant rimant avec prévoyant », ce week-end d’octobre, des manifestant ont pris les devants. Des lecteurs de lundimatin nous racontent.

Les douze voitures bardées de caravanes, barnums et cantines s’enfoncent dans la nuit. Il s’agit d’atteindre un champ qui surplombe le Colisée de la Douffine, sur les hauteurs de Pont-de-Buis. 15 km et 3 pannes plus loin le cortège s’arrête, la nuit est calme, il faut maintenant monter le camp.

Nous sommes le 22 au soir, au fond du Finistère, aux abords de NobelSport, principale usine d’armement de la région. Demain on marche sur l’usine pour bloquer sa production. Le défi est posé et la préfecture le relève, elle décide de nous empêcher d’approcher du site. Au même moment à 800 km de là, la famille de Rémi Fraisse, tué par les gendarmes un an plus tôt sur la zad du Testet, essuie une série d’offenses publiques et d’interdictions préfectorales. Impossible pour elle de rendre hommage à Rémi sans être accompagnée par ceux-là même qui lui ont pris la vie. Le cadre est posé, cette date anniversaire doit passer inaperçue : la police tue, le calme règne.
Vendredi 23 octobre 2015

À Pont-de-Buis, le vendredi matin, l’infoline circule. Objectif : atteindre le point de rassemblement au milieu du village. La gendarmerie a barré tous les accès à l’exception de l’entrée sud. Pendant deux heures, les manifestants contournent le dispositif pour arriver sur la place. Il est 16h, nous sommes près de 500 et, en contrebas, les canons à eau précédés par des grilles bloquent les deux ponts d’accès à l’usine.

Le piège est tendu comme un an avant dans les rues de Nantes, une grille antiémeute comme seul réceptacle à la détermination des manifestants, un écran blanc pour réduire la colère en spectacle. Dès cet instant la foule masquée et partiellement équipée pour le combat est mise face à ses propres contradictions. Subir ou choisir le lieu et le moment de l’affrontement. Tenir un point de cristallisation ou foncer la tête baissée dans un mur. Autant de questions irrésolues dans nos stratégies de lutte. Il existe des surgissements assez conséquents pour percer des dispositifs de la sorte, rien ne justifie pourtant de s’y acharner lorsqu’on est sûrs de perdre.

Une prise de parole publique de l’assemblée des blessés par la police permettra d’éviter le flottement indésiré et de charger de sens notre présence. La manif repart pour tenter sa chance ailleurs, après que le camion des bleus a été maculé d’un orange éclatant. Quelques conseils bien placés d’habitants du village nous conduisent ensuite devant une passerelle gardée par un dispositif beaucoup moins lourd. Une charge plus loin, les manifestants prennent possession de la passerelle avant de faire demi-tour. Un extincteur rempli de peinture pour inonder les visières des gendarmes, quelques pierres pour accompagner leur retraite et nous étions presque de l’autre coté de la rivière. Mais l’enjeu au fond n’était pas là. Notre but n’était pas de nous introduire dans l’usine, il nous reste à découvrir les gestes qui permettraient d’y faire autre chose que précipiter la catastrophe. Notre objectif était de la rendre visible et de bloquer sa production, ce qui était le cas ce vendredi.

A la veille de deux jours de discussions et d’action il fallait éprouver une certaine intelligence collective. Le slogan no tav « si parte, si torna, insieme » (on y va ensemble, on rentre ensemble) gagne progressivement l’ambiance du week-end. Après cette démonstration, nous remontons vers le camp et le temps d’une nuit de fête nous célébrons cette première journée.
Samedi 24 octobre 2015

Au matin du samedi, l’air est humide, les silhouettes émergent doucement des tentes dressées la veille dans le champ. La colline qui nous fait face abrite le bruit sourd de l’hélicoptère, et les 110 hectares de forêts qui recouvrent les bâtiments de l’usine. Les 4 km de grillage d’enceinte représentent la moitié de la superficie du village. C’est, croirait-on, le bois communal, mais que les habitants n’ont jamais pu visiter, la petite forêt arrachée par l’industrie de l’armement. La rivière, elle-même ravie aux habitants par l’usine, dessine une frontière matérielle entre le village et NobelSport, entre le camp et sa cible.

On se retrouve sous le barnum central, la cantine s’active, la radio pirate du camp (radio poudrière) diffuse les premiers entretiens de la veille. Au programme une présentation des armes de la police, d’une ambulance partisane comme outil pour faire face à d’éventuels blessés et pour poser plus généralement la question du soin dans nos luttes. Quelques habitants du coin nous racontent l’histoire de l’usine, avec ses explosions, ses risques industriels et ses accidents du travail. Ils nous parlent de son emprise dans la vie du village. L’occasion de délivrer quelques informations sur son fonctionnement, ses protocoles de sécurité, ses points de faiblesse. L’occasion de mettre à jour l’opacité de ce type d’industrie, de susciter l’envie d’enquêter sérieusement sur ces infrastructures pour pouvoir les atteindre au cœur dans des moments plus déterminants. L’occasion enfin de remplir les carnets de contacts, de faire grandir la confiance gagnée la veille, et d’imaginer dès à présent des nouveaux moments de blocage.

Plus tard, des discussions sur les dynamiques de lutte en Bretagne et la manifestation de Landivisiau le 14 novembre prochain, sur les convois pour la COP 21, nous amèneront jusqu’au soir, où une marche aux flambeaux doit rendre hommage aux tués et blessés par la police. Nous savons que nous allons trouver face à nous le même dispositif que la veille. Cette marche devient alors l’occasion de conjurer pour de bon son attraction.

Une fresque en hommage à Rémi, des chants et des lectures introduisent le départ. Lentement, 300 personnes descendent vers les grilles. Arrivée à l’entrée du pont la foule s’arrête, certains s’assoient sur la chaussée, d’autres pointent les visières des flics avec des lasers. Les lectures commencent et l’épais grillage de police se dissipe peu à peu. On entend les récits du harcèlement quotidien exercé contre les gendarmes sur la zad de Notre-Dame-des-Landes après l’opération césar, les histoires de résistance dans les montagnes italiennes contre le TGV Lyon-Turin, on insulte ensemble la ligne de gendarmes au rythme du récit. Puis le temps d’organiser le départ, on se déleste des fusées d’artifice, des boulons et des pierres comme pour crever l’écran. On finit même par mettre le feu à la toile.

Sur le retour, tenailles et grappins s’échangent dans le cortège. Nous longeons les grilles de l’enceinte. Certaines sont arrachées pendant que d’autres sont soigneusement découpées dans la hauteur. Une disqueuse à batterie entame une entrée secondaire de l’usine et les lacrymos pleuvent mais heurtent les grilles avant de retomber doucement en contrebas sur les flics désorientés. Les manifestants s’agrègent au croisement de la rue qui remonte au camp et d’un commun élan :
On y va ensemble, on rentre ensemble.
Dimanche 25 octobre 2015

C’est le dernier jour du week-end et la préfecture annonce la couleur. Un arrêté stipule qu’à partir de midi et jusqu’à minuit la gendarmerie procédera au contrôle et à la fouille de tous les véhicules qui sortiront de Pont-de-Buis.

Sur le camp tout est paisible, nous commençons à démonter les barnums et à discuter des suites à donner à cette histoire. Localement une perspective se dessine, celle d’approfondir le travail d’enquête sur NobelSport avec tous les habitants rencontrés pendant le week-end, et celle d’entrevoir le blocage de l’usine en cas d’intervention sur la ZAD. Cette dernière idée résonne avec la proposition de coordonner les actions de blocage prévues dans la région pour disperser les forces de l’ordre. On dit souvent qu’une expulsion de la ZAD mobiliserait assez de flics pour qu’ils n’aient pas les moyens de protéger d’autres sites ailleurs dans la région. NobelSport devient dans cette perspective une cible privilégiée comme le sont, à une autre échelle, les principaux axes routiers de l’ouest.

Une équipe reste sur le camp pour finir de ranger les structures tandis que le gros des campeurs s’emploie à retourner vers l’usine. Cette fois nous laisserons les grilles antiémeute derrière nous.

Le temps de s’engouffrer dans un bois, de longer les rails de la voie de chemin de fer sur un viaduc surplombant la Douffine et nous voilà de l’autre coté de la rivière derrière le dispositif que nous narguions la veille. Une vraie ballade de repérage qui a permis à 300 personnes de découvrir une partie des chemins d’accès au grillage de l’usine. Une fois encore nous rencontrons sur un carrefour et devant l’entrée de l’usine un lourd contingent de gendarmes prêt à en découdre. La longue file indienne de marcheurs forme un cercle pour une assemblée improvisée. Une retraite stratégique s’impose à tous avec l’intime sentiment que nous allons nous retrouver là à nouveau en d’autres circonstances. Le cercle de l’assemblée se disloque alors pour former une ligne qui fond sur la police dans une charge hurlante. Les flics hébétés tirent quelques lacrymos, le cortège s’ébranle de nouveau, hilare, après cette scène. Après un bref affrontement sur le chemin du retour sur un terrain plus propice, la longue marche retourne vers le camp démonté.

La journée aurait pu s’arrêter là, mais les déclarations préfectorales du matin nous encouragent à une retraite plus flamboyante encore. On y va ensemble, on rentre ensemble.

La centaine de véhicules tournée vers l’entrée du camp fait gronder les moteurs, et traverse le village sous les nombreux saluts de habitants : ils ont compris que nous reviendrons, et ils semblent s’en amuser. Plus loin, les gendarmes nous bloquent, les passagers sortent des voitures, enfilent leurs capuches et presque aussitôt les portes s’ouvrent. La 4 voies est à 1km de là et le bruit court déjà que s’il nous bloquent on va la bloquer à notre tour.

Le long serpent de lumière s’arrête une dernière fois à la sortie du village, le temps de s’assurer que tout le monde est bien là, et le camp se dissipe au loin. On y va ensemble, on rentre ensemble.

Récit du week end de Pont-de-Buis, un an après la mort de Rémi Fraisse
23-24-25 octobre : grande réussite du week end d’actions contre l’armement de la police !

(texte retrouvé sur Indymedia Nantes)

C’est au fin fond du Finistère, dans un vallon verdoyant et humide qu’est implantée l’usine qui fabrique les armes de la police : Nobel Sport, producteur de grenades lacrymogènes, de balles en caoutchouc tirées par la police, et de balles de chasse.

Un an après la mort de Rémi Fraisse à Sivens, au cœur de l’automne, ce ne sont pas moins de 300 à 500 personnes chaque jour, venues de toute la France et de l’étranger, qui se sont retrouvées sur un campement situé à la sortie du bourg de Pont-de-Buis.

– Vendredi, 14H : les premiers manifestants se regroupent sur la place de la gare, déserte et survolée par un hélicoptère de la gendarmerie. La préfecture et les médias ont annoncé un déploiement policier massif : toute une partie du village est bouclée. Malgré les barrages, près de 500 personnes se retrouvent et démarrent en cortège en direction d’une des entrées de la poudrerie classée « SEVESO haut ». Une radio pirate, « radio poudrière », émet sur la zone pour diffuser des informations le déroulé du week end en temps réel.

Quelques taggs sont tracés en chemin : « Nobel Sport, marchand de mort », « De Paris à Tunis, désarmons la police ! », « SEVESOcialisme mortifère » alors que des slogans, des chants, et de la musique résonnent. Tous les ponts du bourg sont bloqués par des barricades policières et des canons à eau : le premier barrage croisé par la manifestation est repeint, peu après une prise de parole et une conférence de presse de l’Assemblée des blessés par la police. La manifestation repart, et s’oriente vers une petite passerelle vulnérable, indiquée par un habitant de Pont-de-Buis solidaire. Sur le ponton, un cordon de gendarmes doit reculer sur plus de 20 mètres après avoir été repeint en bleu, sous la pression de la tête de cortège et de quelques feux d’artifices, avant de faire pleuvoir des grenades lacrymogènes. La manifestation repart vers un champ qui servira de campement tout le week end. Le site est beau et le climat plutôt clément. Là bas, cantines autogérées, débats, fest-noz et buvette permettent à chacun-e de se réchauffer. Et toujours le bruit de l’hélicoptère, jusqu’à la nuit.

– Samedi, la journée est consacrée à des échanges. Le premier débat se concentre sur les armes de la police. Ce sont des blessés et des habitants de Pont-de-Buis qui introduisent les discussions. Parmi la grosse centaine de personnes qui débattent, on se traduit à voix basse les interventions dans plusieurs langues : espagnol, allemand, anglais. Une série de questions sont abordées. Comment, depuis 20 ans, le maintien de l’ordre se militarise ? En quoi l’industrie des armes policières et militaires est un marché florissant dont la France est l’une des championnes ? On y apprendra que l’usine Nobel Sport a déjà semé la mort dans le village de Pont-de-Buis, lors d’une explosion en 1975 ou à l’occasion d’accident réguliers qui touchent les gens qui y travaillent. On y entendra que 90% de la production est destinée à l’exportation, pour réprimer celles et ceux qui se révoltent partout autour du globe. On découvre la notion « d’armement rhéostatique » : pour chaque arme, les institutions peuvent décider du degré de létalité. Allant de la blessure à la mort.

Plus tard, des habitant-e-s du Finistère viennent raconter les luttes de territoire qui se multiplient : contre une centrale à gaz, contre des projets de mines, contre l’extension d’une base militaire, contre l’extraction de sable … La Bretagne est une terre de lutte, et à Pont-de-Buis même, nombreux seront les habitants qui, malgré la situation angoissante crée par la gendarmerie, témoigneront de leur sympathie pour les actions menées. Il y aura aussi, plus tard, des échanges sur la COP 21, et l’industrie de la violence en Israël.

En soirée, une marche aux flambeaux s’élance à nouveau dans le village, après une veillée aux lampions et des chants de lutte. Devant l’un des barrages, les policiers voient, médusés, une foule de plus de 300 manifestants s’asseoir pour écouter des lectures sur les luttes de Notre-Dame-des-Landes et du Val de Susa. Puis, quand le cortège repart, subitement, le dispositif reçoit une grêle de projectiles puis prend feu après avoir reçu feux d’artifices et coktails molotovs, et répond par une généreuse salve de gaz. Plus haut, de larges portions du grillage de l’usine tombent alors qu’un portail est en partie démonté. Les policiers présents dans l’enceinte de l’usine ripostent à l’aveugle par des grenades assourdissantes et lacrymogènes. Le cortège rentre au camp, sans qu’il n’y ait de blessés ni d’interpellés, après avoir démontré la vulnérabilité du site. Contrairement à ce qu’écrivent la presse et la préfecture, la poudrière n’est pas « inatteignable ».

– Dimanche 25 octobre, cela fait un an précisément que Rémi Fraisse a été tué. Une longue marche à travers champs, forêts et ruisseaux permet à plusieurs centaines de personnes de déjouer tous les dispositifs policiers pour atteindre l’entrée principale de l’usine d’armement. Devant le grand portail, une importante rangée d’armures, de canons à eaux, de véhicules tactiques. Les forces de l’ordre s’attendent à l’affrontement final en pleine prairie. Après un quart d’heure d’hésitations, une fausse charge est lancée par les manifestants hilares, sur une dizaine de mètres. Les gendarmes, visiblement impressionnés, bombardent le champ de gaz au bout de quelques secondes. A l’évidence, la peur a changé de camp. Le cortège décide de repartir sans chercher une confrontation perdue d’avance devant les grilles, et repart vers le camp non sans taquiner les différents dispositifs rencontrés en route, qui répondent par des jets massifs de gaz lacrymogène.

– Dimanche soir, dernière victoire du week end. Alors que la préfecture avait annoncé sa ferme intention de fouiller et contrôler tous les véhicules, et de procéder à des interpellations, un immense convois de voitures s’élance du camp vers la voie rapide. Les clients d’un kebab et d’un PMU saluent le convoi qui klaxonne en signe d’au revoir dans les rues de Pont-de-Buis. Un check point avec des unités anti-émeutes, survolé par un hélicoptère, est déployé à la sortie du bourg. Face à la détermination du convoi, – une immense colonne de véhicules en rangs serrés, entourée de manifestants prêts à se défendre – le chef des gendarmes est obligé de rappeler ses hommes, solidement armés et hors d’eux, pour éviter l’embrasement. Il n’y aura aucun contrôle ce soir.

Tout au long du week end d’action, les plans de la police ont été déjoués, sa violence évitée, son contrôle esquivé. C’est le plus bel hommage qui pouvait être rendu à toutes celles et ceux qui ont subi la violence d’État.

– Une vidéo de Taranis News sur la journée du vendredi : https://www.youtube.com/watch?v=5zESODqqb2s

– Un bon récit de Reporterre : http://www.reporterre.net/Dans-le-Finistere-une-manifestation-calme-pour-denoncer-l-usine-a-grenades

– Article dans CQFD à propos de l’usine d’armement de Pont-de-Buis :
http://cqfd-journal.org/Pont-de-Buis%E2%80%89-la-poudriere
FIL INFO :
Samedi 24 octobre :

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Voici un récit de la matinée

Ce matin, nous étions nombreux rassemblés sous le barnum du campement installé à quelques pas de Pont-de-Buis, à quelques pas de l’usine Nobel Sport, marchand de mort.

Les débats commencent avec une présentation des nouvelles armes de la Police, notamment le Flashball superpro et le LBD 40 dont l’usine Nobel Sport construit les projectiles.

Débats où l’on a appris parmi d’autres choses…

Comment, au milieu des années 90, sous l’impulsion de Guéant puis de Sarkozy, le flashball a été introduit dans certains corps de police, et son utilisation généralisée.

Comment son usage a opéré un glissement vers un maintien de l’ordre offensif. On ne se contente plus de contenir les corps, on les frappe, on les mutile.

Comment la police se militarise. Les mêmes armes et les mêmes techniques y sont utilisées et participent de la même économie.

Comment Nobel Sport fabrique des gaz lacrymogènes interdits par la convention de Genève, afin de les envoyer hors des frontières de l’Europe, sur le marché mondial. Ces dernières ont été exportées au Burkina Fasso pour réprimer les opposants à Blaise Campaoré.

Comment l’usine Nobel Sport passe de 110 employés à 200 voir 300 quand une révolte éclate quelque part dans le monde. Trois chaînes de production sont mises en place et tournent en permanence sur le rythme des trois huit.

Comment des blessé.es au Flash-Ball et au LBD 40 se sont organisé.es en assemblée pour s’entre-aider.

Comment être blessé.e, mutilé.e par un tir de LBD ou de Flashball, c’est immédiatement après faire face aux médias, à la police, à la justice et aux regards des autres.

Et comment il est nécessaire de se rassembler pour y répondre.

0ù l’on a appris que « désarmer la police » voulait aussi dire éradiquer dans les têtes, dans les mentalités, l’idée que la police protège.

Où l’on a appris ce qu’est « l’armement rhéostatique ». Pour chaque arme, les institutions peuvent décider du degré de létalité. Allant de la blessure à la mort.

Le débat a continué sur la présentation de l’ambulance partisane.

Il s’agit d’un véhicule où l’on peut venir se faire soigner pendant une mobilisation. Où l’on peut apprendre et partager les gestes des premiers secours.

Cette ambulance commencera bientôt une tournée à laquelle chacun.e peut participer pour échanger, se réapproprier ces gestes ainsi que les techniques et savoir-faire concernant le soin.

Et qu’il est possible de les contacter à l’adresse suivante : medecine@riseup.net

Le débat s’est fini sur une histoire de l’usine Nobel Sport.

Où l’on a appris qu’en 1975, l’usine a explosé soufflant toutes les maisons alentour, tuant trois personnes et en blessant 80 autres. Ce qui provoqua un départ important des habitants de Pont-de-Buis.

Où l’on a appris que Pont-de-Buis était une ancienne poudrière royale privatisée dans les années 80. Et qu’un administrateur de Nobel Sport et aussi administrateur de Vinci.

Où l’on a appris que l’usine occupe 100 hectares et 20 kilomètres de routes. À cause de cela, l’accès à la forêt et à la rivière sont interdits aux habitants.

On a appris plein d’autres choses, mais le mieux serait quand-même de nous rejoindre pour continuer à discuter entre-autre des luttes en cours dans le Finistère (Centrale à Gaz, Extraction minière, Méthaniseur et extraction de sable dans la baie de Morlaix.) et participer avec nous aux différentes mobilisations.

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Articles de presse dans L’express, Le Telegramme, Ouest France, France24

Récit de la suite de la journée

Samedi, après les discussions de la matinée, on discute sur le campement de la lutte contre la centrale « à cycles combinés à Gaz » à Landivisiau et de la manifestation samedi 14 novembre organisée par des collectifs en lutte contre des projets d’aménagement en Bretagne :

Appel pour une manifestation avec les collectifs en lutte le 14 novembre à Landivisiau

Tandis que les situations économiques, sociales et environnementales se dégradent chaque jour, la seule réponse des gouvernants est une fuite en avant. En imposant de nombreux projets (centrale à gaz, mines, forages, aéroports, méthaniseurs industriels…) sans considération pour la planète ni pour les populations, ils démontrent par là-même qu’ils ne prennent pas conscience des bouleversements en cours.
Réunis à l’initiative de l’association ” Landivisiau doit dire non à la centrale “, nous qui sommes issus de plusieurs associations et collectifs de lutte, nous nous levons et crions ASSEZ !

…à la gestion imposée et la destruction des territoires :
L’état et les groupes financiers, avec ou sans relais locaux, tentent de faire passer en force des projets élaborés dans des bureaux bien loin des besoins des territoires concernés. Leur irresponsabilité et leur incohérence vis-à-vis des enjeux climatiques et sociaux nous mobilisent ici, de la même façon que pour les pays où l’on pille les ressources.

Ces luttes, contre des projets d’aménagement du territoire, touchent précisément à la question de l’urgence climatique actuelle.

On a alors parlé de la COP21, des convois des territoires en lutte qui doivent converger à pied, à vélo, en tracteur, du sud, de l’ouest et de l’est. Certains sont même déjà partis. On a parlé des préparatifs en cours en région parisienne pour accueillir des gens venus du monde entier. On s’est échangé quelques adresses, quelques contacts pour continuer à organiser cela.

Pour Paris: : cop21@riseup.net

Pour NDDL: mslcnddl@riseup.net

Et pour les infos en général: marchesurlacop.noblogs.org

Le gros du convoi partira le 21 novembre de Notre-Dame-des-Landes pour arriver le 28 aux portes de Paris.

Il sera essentiellement constitué de cyclistes. Des tracteurs et quelques véhicules transporteront les personnes ne pouvant pas faire un long trajet à vélo, ainsi que la logistique.

(…)

Nous cheminerons depuis Notre dame des landes avec toute l’énergie du mouvement anti-aéroport, en créant en route des espaces de rencontres et de mobilisation. Comme de nombreux habitant-e-s, paysan-ne-s, migrant-e-s d’autres parties du monde qui subissent déjà en première ligne les conséquences du réchauffement climatique, nous savons que notre salut ne viendra pas des échanges de marchés carbones entre lobbies industriels et gouvernements, encore moins du capitalisme vert. Nous voulons participer à une reprise en main, par les populations et mouvements de lutte, de l’avenir de la planète.

Il est temps de sortir enfin du productivisme industriel, de la privatisation des biens communs, de la destruction des terres nourricières et de la marchandisation du vivant. Pour qu’émergent des possibles, à Notre dame des landes comme ailleurs, il s’agit de bloquer concrètement dès maintenant l’avancée de leurs projets nuisibles, imposés et climaticides. Il faut continuer à libérer des espaces où puissent s’inventer, ici et maintenant, d’autres formes de vie commune, de cultures et d’habitats tels qu’ils s’expérimentent aujourd’hui à Notre Dame à landes.

Enfin, on s’est arrêté de discuter pour manger. Big up aux cuisiniers et cuisinières qui ont nourri plus de 150 personnes pendant trois jours. Pendant ce temps, on finissait de construire une structure en bambous sur laquelle était accroché des centaines de lampions. En s’éloignant, une fois la structure levée, après un temps de chansons, on pouvait y lire le nom de Remi, ton nom brille dans la nuit.

La nuit tombe et nous partons pour une marche au flambeau dans Pont-de-Buis, avec un petit ampli à bretelles qui donne le ton, vers l’usine d’armement Nobel Sport, marchand de mort et pas de sport. À l’entrée de la route, encore une fois, la police barre l’accès à l’usine avec ses hautes grilles anti-émeute. Le décor est planté, le spectacle va pouvoir commencer… On lit des textes, des récits de lutte à Notre-Dame-Des-Landes, et dans la vallée No-Tav du val de Susa. Les manifestants et manifestantes dans la nuit, face à la police, écoutent attentivement. Cela dure et puis cela s’arrête. On crie, on hurle au loup, on allume des pétards, on secoue les grilles anti-émeute et on remonte doucement. Sur le trajet du retour, aux rythmes de cumbia et d’electro rap, quelques grilles de l’Usine seront arrachées Les policiers présents ne pourront rien y faire, la poudrière n’est pas si inatteignable.

On rentre au campement ensemble, et de nouveau l’on mange. Big up aux cuisiniers et cuisinières qui ont rassasié tout cette troupe encombrée.

On enchaine sur un film, le business de la répression as usual made in Israel, avec comme terrain d’expérimentation la Palestine, et comme marché le monde entier.

Le business de la mort en toute fraternité, les flics et militaires du monde entier uni pour flinguer…La soirée se prolonge ensuite, autour de la bière et des braseros, sous le barnum au sol de paille.

Au lendemain matin, le démontage du camp se fait rapidement, et l’on discute de la suite de la journée ainsi que de la coordination d’actions de résistances et de blocages en cas d’attaque de la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes à l’hiver ou ensuite.

grilles au lendemain
grilles au lendemain

grilles au lendemain
grilles au lendemain

Hommage a Remi
Hommage a Remi

Vendredi 23 octobre :

20h45 : Voici un récit de la journée à Pont-de-Buis

Donc, le week-end de mobilisation contre l’usine d’armement de Pont-de-Buis a commencé.

Cela a commencé sur les ondes, avec radio Poudrière (98,6) qui diffuse en continu les infos sur la mobilisation.

Cela a commencé avec d’énormes Dazibao en papier mâché représentant les fameuses armes et munitions avec lesquelles la police mutile et tue.

Cela a commencé avec le champ prêté par un habitant de Pont-de-Buis sur lequel le campement se trouve en ce moment.

Cela a aussi commencé avec les barrages filtrants, les routes barrées tenues par les gendarmes qui ont ralenti pas mal d’entre nous sur le chemin de Pont-de-Buis.

Et bien sûr, l’impayable hélicoptère qui ne nous lâchera pas de la journée.

On se retrouve finalement 400 personnes dans le centre de Pont-de-buis.

Quelques tags : « Face à la police, légitime défiance. » « Nobel sport, noble mort. »

Quelques slogans : « Les policiers à la vaisselle, les Flash-ball à la poubelle. » « Nobel Sport, marchand de mort ».

Et puis une grande, très grande banderole peinte sur lequel on reconnaît le visage de Rémi Fraisse avec l’inscription : « Rémi, présent dans nos luttes. »

Après une heure, le cortège s’ébranle.

La police nous attend sur le pont qui mène à l’entrée de l’usine avec canon à eau et grille anti-émeute. Devant les grilles, au milieu des slogans, des tags et des jets de peinture, l’assemblée des blessées qui réunit des personnes blessées, par des tirs de Flash-ball et de LBD 40 tiendront comme ils l’avaient prévu, une conférence de presse.

Impossible d’aller plus loin. Les gendarmes nous cantonnent dans le centre ville.

C’est une interdiction de manifester de fait.

Depuis la mort de Rémi Fraisse, le gouvernement remet régulièrement en cause le droit de manifester en pratiquant des arrestations préventives, en bloquant les manifestants dans de gigantesques nasses, etc.

Le préfet dit ne pas avoir interdit la manifestation, mais il a mis tout en place pour empêcher son déroulement.

On tente un peu plus loin, mais on tombe sur un autre barrage. On est repoussé par des gaz lacrymogène.

On revient dans le centre.

Entre temps, de nombreuses personnes nous ont rejointes. Nous partons vers le camp en colonne motorisée.

Le Week-End continue.

Ce soir par un festnoz.

Samedi par une journée de discussions.

Dimanche par une journée d’action.

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« à emporter sur place »
« à emporter sur place »

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une partie de l’usine Nobelsport au loin

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un poème écrit par le père de Rémi Fraisse, lu au départ de la manifestation de Sivens & à Pont-de-Buis:

J’ai fait un rêve

J’ai fait un rêve Rémi, tu nous quittes dans un faisceau lumineux.

J’ai fait un rêve Rémi, la renoncule à feuille d’ophioglosse fleurit sur toutes les zones humides qui se multiplient partout en France.

J’ai fait un rêve Rémi, l’humour et le détachement de soi sont à l’intérieur de nous tous.

J’ai fait un rêve Rémi, plus jamais la France ne se mutilera avec des grenades offensives.

Que ta mémoire, Rémi, soit le gardien de l’interdiction de ces armes.

Je ne rêve plus.

Texte de Jean-Pierre Fraisse, père de Remi Fraisse, lu au début de la manif.

19h40 : la manifestation s’est terminée, tout le monde s’est dirigé vers le camps, où il y a un repas ce soir.. suivi par un FEST NOZ, crèpes, bar,…! Parking, camping sur place, dans le champs (merci de ne pas se garer devant chez les voisins)

ouest france a fait un suivi en direct de la manif : http://www.ouest-france.fr/manifestation-pont-de-buis

12h45 : Le camp contre l’armement de la police est bien installé, vous pouvez appeler le 0677670242 pour le rejoindre. Le camp ce situe au niveau du hameau ‘Lanvélé’.

Depuis la 4voies Quimper-Brest N165, prenez la sortie 61 (la première sortie Pont-de-Buis en venant de Quimper. Attention, il y en a deux!). Au stop, prenez la direction Pont-de-Buis (D770). Continuez tout droit, jusque dans le bourg. Tournez à droite (Rue de la Promenade) avant d’arriver à la gare de Pont-de-Buis, puis continuez tout droit dans la Rue du Poulhi. Le camp sera indiqué, elle se situe juste avant le virage au niveau du hameau de Lanvélé.

– Contrôle de véhicules sur le D770 (première sortie depuis la 4voie en venant de Nantes) au rond point avant le CASINO. Et toujours sur la D770 au niveau de la route qui mène à l’entrée de l’usine.

– Ouest France signale que :  » Les principales artères menant à l’usine vont être barrées. Le site Internet de la mairie annonce que toute circulation et stationnement sont proscrits dans les rues du Beuzit et Squiriou jusqu’au lundi à 9 h. Les habitants sont aussi invités à se munir de papiers d’identité ou d’un justificatif de domicile. » (Article en entier sur http://www.ouest-france.fr)
Jeudi 22 octobre :
Attention : un communiqué de la mairie de Pont-de-Buis indique de très probables contrôles aux entrées du village !
restriction circulation

Il s’agit évidemment d’éffrayer la population, à qui nous rappelons que la manifestation n’est pas contre les habitants de Pont-de-Buis, mais veut s’attaquer à l’industrie d’armement, à Pont-de-Buis, comme ailleurs !

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vidéo sur NOBELSPORT : https://www.youtube.com/watch?v=dHkjIZav0n8

sur facebook : 23-24-25 octobre : week end contre l’armement de la police

voici un tract écrit par des habitants de Pont-de-Buis : tract avis à la pooulation

article dans CFDQ : http://cqfd-journal.org/Pont-de-Buis-la-poudriere

communiqué de l’Assemblée des Blessées : https://blogs.mediapart.fr/blog/assemblee-des-blesses/

article dans Ouest France : 12088214_155791138105265_553971383237394525_n

Le 25 octobre 2015, un an après la mort de Rémi Fraisse, nous organisons un week-end d’actions contre l’usine Nobelsport fabricant de grenades lacrymogènes et de balles de défense. L’objectif est simple :

– Mener une percée dans l’imaginaire en cherchant de nouveaux points de vulnérabilité de la police et mettre en lumière la source des armes qui mutilent et tuent nos compagnons de lutte, ici en France et sur toute la planète.

– Apprendre ensemble les techniques collectives pour bloquer ce type d’industrie.

L’histoire aura voulu que ce début d’année 2015 marque un tournant majeur dans l’image dégradée des forces de l’ordre après 10 ans de mutilations et d’assassinats répétés.

Dans la rue d’abord, les soubresauts estudiantins des années 2000 sont venus s’ajouter à la colère des banlieues. Tous deux ont mis à jour l’un des aspects principal du maintien de l’ordre : une force essentiellement dissuasive qui le cas échéant contient l’affrontement dans un dispositif qu’elle a préméditée.

Dans les bocages plus récemment, la résistance aux projets d’infrastructures a eu raison un temps du savoir faire français en matière de contrôle d’un territoire. Les gendarmes se sont littéralement embourbés à Notre-Dame-des-Landes et leur naufrage a eu pour conséquence prévisible un usage frénétique de leurs armes entraînant de nombreuses blessures, et le 25 octobre 2014, la mort de Rémi Fraisse sur la Zad du Testet.

Dans la presse enfin, les experts de la sécurité intérieure ont subit l’un des plus gros échec de leur courte histoire en 2008 avec l’affaire de Tarnac. La figure construite de toutes pièces de l’ennemi intérieur devenait en quelques semaines le tombeau de ceux qui l’avaient brandie comme un épouvantail. Exit MAM, Fragnoli, exit les barbouzes de la DCRI chacun d’eux est sorti par la petite porte.

Et si on a perdu l’habitude des petites guerres sales menées aux confins des services de la sécurité intérieure, l’affaire Tarnac relève le niveau. Comme cette histoire en 2009 de disparition d’un militant basque, Jon Anza, dans un train pour Toulouse, qui réapparrait un an plus tard, anonyme, dans une morgue.

Puis, contre toute attente, un attentat frappe le siège de Charlie Hebdo aux premiers jours de l’année 2015. Plusieurs policiers meurent à cette occasion. Branle bas de combat international, tout est mis en œuvre pour orchestrer une des plus spectaculaires mobilisations des dernières années. Le peuple se dresse derrière sa police, et la lourde ardoise accumulée depuis plus de dix ans s’efface presque aussitôt. Des centaines de milliers de personnes défilent auprès de plusieurs chefs d’état et acclament les snipers qui sécurisent la manifestation. Belle démonstration de force de l’antiterrorisme qui trouve enfin sa traduction populaire. Et dans les deux mois qui suivent cet événement morbide, l’état répond méthodiquement à chacune des erreurs qu’il a accumulé.

Le 6 mars 2015 la Zad du testet est expulsée par 200 Paysans de la FNSEA accompagnés par un lourd contingent de gendarmes venu avec une douteuse position de neutralité afin d’ éviter l’escalade de la violence.

En mai 2015, le tribunal de grande instance de Paris rejette le recours civil de la famille de Jon Anza, tout en reconnaissant « un dysfonctionnement au niveau de l’enquête tant de la part de la police que du parquet », mais « pas de faute lourde ».

Le 18 mai, les deux policier responsables de la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois en 2005 sont relaxés après 10 ans de procédures.

Le 7 du même mois, la presse annonce la tenue d’un procès en antiterrorisme dans le cadre de l’affaire de Tarnac pour trois des inculpés.

Au même moment la commission parlementaire créée par Noël Mamère suite à la mort de Rémi Fraisse, louvoie sur les moyens accordés à la police et entérine leur nouvel armement. Conséquence directe, au flashball se substitue le LBD (Lanceur de balles de défense), plus précis et plus puissant que son prédécesseur.

Et pour couronner le tout, une proposition de loi sur le renseignement légalise toutes les techniques de surveillance que la police pratiquait dans l’ombre. Le message a le mérite d’être clair, plus rien ne viendra entraver l’exercice du maintien de l’ordre, dont l’imaginaire rénové concède à chacun de ses agents la plus respectable des fonctions : celle de protéger la population contre le chaos organisé. Ce que le message oublie de préciser c’est que pour le pouvoir, le chaos organisé qu’il faut conjurer n’a pas grand-chose à voir avec le spectre réinventé de Ben Laden, mais repose dans toutes les manières de vivre, d’habiter, de se rencontrer, de s’organiser qui échappent aux grilles d’analyses du présent.

Aujourd’hui pourtant, il n’est de secret pour personne que la police tue, elle tue tous les ans, à plusieurs reprises, avec les mêmes armes et sous la même autorité, et quand elle ne tue pas elle mutile. Si cette vérité est depuis longtemps d’une banalité affligeante dans les banlieues françaises, elle restait inexistante dans les manifestations.

Depuis la mort de Malik Oussekine en 86, le maintien de l’ordre à la française faisait office d’exemple pour toute l’Europe. Un savoir-faire irréprochable, disait-on, conjugué à un armement fiable bien que de plus en plus létal. En 10 ans et sur différents terrains de lutte, cette maîtrise si fièrement publicisée a fait l’épreuve d’une détermination nouvelle, et surtout d’une extension du champ de l’affrontement. Incendies et saccages dans les banlieues, confrontations dans les bocages, généralisation des techniques de blocage jusqu’à certains cadres de la CGT, sabotages d’outils de travail, de lignes haute tension, les occasions ne manquent pas pour les autorités de se mesurer à des formes de contestation plus hétéroclites. Depuis dix ans maintenant la police ne cesse de réajuster ses méthodes d’intervention et chaque nouveau conflit, chaque revers encaissé est une occasion pour elle d’améliorer sa capacité d’intervention, d’affiner sa doctrine.

Un rapport récent indique à ce propos que l’utilisation des grenades offensives est circonscrite en France à trois types de territoires, les banlieues, les dom tom et les zad. Ce que les pouvoirs se complaisent à qualifier zone de non-droit semblent bénéficier d’un statut particulier et deviennent de véritables laboratoires pour les autorités.

Après les banlieues, les usines, les facs, les lycées, c’est au tour des Zad et de leurs ramifications urbaines d’être l’un des principaux objets d’étude des entrepreneurs de la sécurité.

Dépasser la peur

Il faut reconnaître une certaine tétanie dans les mouvements de lutte face à l’effet ravageur des armes du maintien de l’ordre et à leur usage devenu presque systématique. Si nous étions surpris de voir si peu de monde descendre dans la rue suite à la mort de Rémi, nous l’étions moins de constater les clivages que cette séquence a fait ressurgir dans les mouvements. La crainte plus ou moins fondée de voir se répéter dans les manifs anti répression le même dispositif d’affrontement entraînant les mêmes conséquences, a eu raison de la réaction massive à cet assassinat. Planait comme un sentiment d’abandon pour ceux qui descendaient dans les rues et de dépossession pour ceux qui craignaient les débordements, les blessures etc. La police, elle, s’est contentée de boucler intégralement les centre-villes et d’alimenter le sentiment de crainte par assauts médiatiques successifs.

Cependant, une chose importante et significative s’est produite. Bien que la peur couvrait d’un épais nuage l’atmosphère des manifestations de l’automne, chacune d’entre elles comme à Nantes et Toulouse rassemblait de plus en plus de monde. Et seul le temps et la répétition jouaient contre les manifestants. Il y avait là une colère contenue qui cherchait ses formes d’expression entre prises de rue, blocages de gendarmerie et d’usine d’armement.

La peur est un sentiment paradoxal qui appelle à la fois au replis, à la fois au dépassement. La première réaction, la plus courante produit en substance ce qui fait mourir les luttes ou qui les maintient dans un certain état d’agonie. Chaque peur prend le pas sur l’élaboration. Celle de devoir assumer des pratiques d’affrontement, celle de voir des compagnons de lutte se dissocier de certains actes, celle de trahir son identité politique, et bien d’autres encore.

Toutes ces peurs sont la conséquence en même temps que le moteur de la répression. Elle mettent en lumière ce qui depuis une fragilité de composition ouvre une brèche pour amoindrir la puissance d’un mouvement.

Le meilleur rempart à ce type d’effet c’est de trouver les conditions pour construire une forme de confiance commune, qui n’efface pas les désaccords mais qui prend acte de certaines nécessités stratégiques dans une lutte qui se confronte à un appareil d’état. En somme, la confiance qui nous a permis de repousser 2000 flics en 2012 sur la ZAD, de bloquer en 2011 un train de déchets nucléaires pendant plusieurs heures, d’amener 500 tracteurs dans les rues de Nantes, ou encore de mettre en échec des rafles de sans papier comme à Montreuil.

Il n’y a pas de fatalité derrière les obstacles que nos histoires traversent, il n’y a que des dépassements possibles.

Déplacer le conflit

On le sait, la question du conflit est un des nœuds indémêlables des luttes que nous menons ensemble. Certains le situent sur le terrain juridique, d’autres sur celui des média et de l’opinion publique, d’autres encore sur le terrain de l’action dans la rue, et les clivages ne manquent pas à ce propos.

Reste que beaucoup semblent d’accord pour prétendre qu’une certaine composition entre toutes ces idées produit de la puissance, une puissance capable de défaire les plus audacieuses percées du maintien de l’ordre.

Ce que la conjonction de ces formes permet, c’est d’extraire chacune d’entre elle de son isolement propre.

Réduire le conflit politique à l’affrontement de rue, c’est au mieux avoir l’impression de faire peur au pouvoir, au pire perdre un œil ou la vie.

Assumer une foi sans limite dans « l’opinion publique » c’est abandonner aux journalistes la manière d’énoncer nos idées et leur laisser le monopole de la pensée politique.

S’en remettre à la justice c’est faire preuve d’une croyance aveugle dans une indépendance consumée depuis les premières minutes de sa création.

Pourtant, conjuguer par exemple ces trois dimensions c’est donner les moyens à chacune de soutenir le rapport de force qui lui est imposé. Le soutenir en déplaçant les termes du conflit.

Le maintien de l’ordre ne trouve sa puissance que lorsqu’il a face à lui une force qui se soumet à la symétrie qu’il impose ou parfois qu’il supervise (comme à Sivens récemment).

Déplacer le conflit ne signifie pas qu’il faut renoncer aux pratiques de luttes qui ont fait notre force, il faut en revanche les sortir de l’isolement que l’autorité leur impose. Contourner un dispositif plutôt que le prendre de front, utiliser le droit pour mettre en lumière les irrégularités d’une opération de maintien de l’ordre et la ralentir en conséquence, déjouer à l’unisson les figures médiatiques fabriquée de toutes pièces, bref ramener à soi chaque possibilité comme des options stratégiques plutôt que comme des vérités immuables. L’industrie de l’armement en France a cette double particularité d’être à la pointe des exigences internationales en matière de maintien de l’ordre tout en bénéficiant d’une relative opacité sur la destination de sa production. Pourtant, si en Grèce ceux qui subissent quotidiennement la police sont bien en peine de pouvoir s’attaquer aux producteurs d’armement c’est parce que les armes qui servent à les mutiler viennent de chez nous. Aussi la mort d’un adolescent lors de l’anniversaire de l’occupation du parc Gezi en Turquie il y a un an provient de l’explosion d’une grenade française. Partout et jusque dans les insurrections arabes l’industrie de l’armement français produit le même désastre. Mettre en lumière l’existence de ce type d’industrie n’est rien d’autre que commencer à la sortir de la niche dans laquelle elle est logé et trouver les moyens pour la bloquer.

Pratiques de lutte

S’intéresser au fonctionnement de la police, comme de la justice, y trouver des failles, et les partager, savoir ce qu’ils mangent, comment ils se déplacent, qui les arme et comment ils s’arment, c’est autant de questions que nous souhaitons nous poser pour chercher des manières d’agir. Connaître ces failles pour pouvoir aussi, à un moment opportun, être capable d’amoindrir la capacité de nuisance de ce type d’industrie.

L’idée de se retrouver à Pont de Buis remonte à décembre dernier où suite aux manifestations répondant à la mort de Rémy Fraisse, nous étions plus de 200 à nous être retrouvés devant les portes de Nobelsport sans trop savoir ce qu’il y avait à l’intérieur. Cette expérience nous a appris une chose. Il a suffi d’être ce nombre à tourner autour des grilles d’enceinte de l’usine pour bloquer sa production. Là réside toute la limite d’un site de production d’explosifs soumis à une réglementation drastique. Une simple présence hostile suffit à interrompre la production. Aujourd’hui nous souhaitons aller plus loin dans l’expérimentation des pratiques de blocage de ce type d’industrie. Comment fonctionnent les unités de production, quelles routes empruntent les transporteurs, pour se rendre sur quels sites de stockage, en somme, mettre à jour la petite économie secrète que constitue l’armement de la police et trouver les moyens de la perturber.

Et Nobel Sport dans tout ça

Nobel Sport, c’est une des grandes boîtes de production d’armement de maintien de l’ordre qui existent en France, elle gère la poudrerie de Pont de Buis depuis 1996 et y fabrique pêle-mêle, grenades, cartouches etc. Elle arme non seulement la police mais aussi l’armée et vend ses produits à divers pays étrangers. Quatre établissements sont répartis sur tout le territoire, dont le siège à Paris. La société est dirigée par un ensemble de sept actionnaires évoluant entre l’industrie de l’armement et la finance. C’est une boîte parmi d’autres, nous verrions autant de sens à cibler Alsetex dans la Sarthe ou Verney Carron à Saint Etienne, comme d’ailleurs toutes les sociétés qui équipent les forces de l’ordre, de l’uniforme jusqu’à la peinture des camions. Le site de production représente environ la moitié de la superficie du village, soit plusieurs kilomètres de grillages d’enceintes. Il s’inscrit dans un territoire longtemps dévolue à l’industrie du maintien de l’ordre. École de gendarmerie de Chateaulin, base de sous-marins nucléaires de l’île longue, la présence des autorités ne manque pas dans cette région. Ce que l’on connaît de cette usine, à part son implication historique dans les menées guerrières de Louis 14, c’est la triste réalité d’une industrie hautement explosive, emportant régulièrement avec elle la vie de quelques ouvriers ou les fenêtres des maisons. Les deux moments qu’on retiendra entre 1975 et aujourd’hui laisse quelques sueur froides à qui veut bien imaginer ce que peux signifier vivre à coté d’une usine à poudre.

Collectif Pont-de-Buis 2015

Vidéo du samedi soir :

Texte sur lundi.am :
Pont-de-Buis, octobre 2015.
On y va ensemble, on rentre ensemble.

Voilà deux semaines que nous annoncions la tenue d’un festival contre les armes de la police à Pont-de-Buis, petite bourgade du Finistère. Voilà plusieurs années que la police blesse ou mutile régulièrement des manifestants ou de simples badauds lors d’opérations de sécurisation de l’espace public. Qui ne connait pas un cousin éborgné par un tir de flashball « maladroit » ? En France, c’est (entre autres) l’entreprise Nobelsport qui élabore et vend ces armes. « Bon vivant rimant avec prévoyant », ce week-end d’octobre, des manifestant ont pris les devants. Des lecteurs de lundimatin nous racontent.

Les douze voitures bardées de caravanes, barnums et cantines s’enfoncent dans la nuit. Il s’agit d’atteindre un champ qui surplombe le Colisée de la Douffine, sur les hauteurs de Pont-de-Buis. 15 km et 3 pannes plus loin le cortège s’arrête, la nuit est calme, il faut maintenant monter le camp.

Nous sommes le 22 au soir, au fond du Finistère, aux abords de NobelSport, principale usine d’armement de la région. Demain on marche sur l’usine pour bloquer sa production. Le défi est posé et la préfecture le relève, elle décide de nous empêcher d’approcher du site. Au même moment à 800 km de là, la famille de Rémi Fraisse, tué par les gendarmes un an plus tôt sur la zad du Testet, essuie une série d’offenses publiques et d’interdictions préfectorales. Impossible pour elle de rendre hommage à Rémi sans être accompagnée par ceux-là même qui lui ont pris la vie. Le cadre est posé, cette date anniversaire doit passer inaperçue : la police tue, le calme règne.
Vendredi 23 octobre 2015

À Pont-de-Buis, le vendredi matin, l’infoline circule. Objectif : atteindre le point de rassemblement au milieu du village. La gendarmerie a barré tous les accès à l’exception de l’entrée sud. Pendant deux heures, les manifestants contournent le dispositif pour arriver sur la place. Il est 16h, nous sommes près de 500 et, en contrebas, les canons à eau précédés par des grilles bloquent les deux ponts d’accès à l’usine.

Le piège est tendu comme un an avant dans les rues de Nantes, une grille antiémeute comme seul réceptacle à la détermination des manifestants, un écran blanc pour réduire la colère en spectacle. Dès cet instant la foule masquée et partiellement équipée pour le combat est mise face à ses propres contradictions. Subir ou choisir le lieu et le moment de l’affrontement. Tenir un point de cristallisation ou foncer la tête baissée dans un mur. Autant de questions irrésolues dans nos stratégies de lutte. Il existe des surgissements assez conséquents pour percer des dispositifs de la sorte, rien ne justifie pourtant de s’y acharner lorsqu’on est sûrs de perdre.

Une prise de parole publique de l’assemblée des blessés par la police permettra d’éviter le flottement indésiré et de charger de sens notre présence. La manif repart pour tenter sa chance ailleurs, après que le camion des bleus a été maculé d’un orange éclatant. Quelques conseils bien placés d’habitants du village nous conduisent ensuite devant une passerelle gardée par un dispositif beaucoup moins lourd. Une charge plus loin, les manifestants prennent possession de la passerelle avant de faire demi-tour. Un extincteur rempli de peinture pour inonder les visières des gendarmes, quelques pierres pour accompagner leur retraite et nous étions presque de l’autre coté de la rivière. Mais l’enjeu au fond n’était pas là. Notre but n’était pas de nous introduire dans l’usine, il nous reste à découvrir les gestes qui permettraient d’y faire autre chose que précipiter la catastrophe. Notre objectif était de la rendre visible et de bloquer sa production, ce qui était le cas ce vendredi.

A la veille de deux jours de discussions et d’action il fallait éprouver une certaine intelligence collective. Le slogan no tav « si parte, si torna, insieme » (on y va ensemble, on rentre ensemble) gagne progressivement l’ambiance du week-end. Après cette démonstration, nous remontons vers le camp et le temps d’une nuit de fête nous célébrons cette première journée.
Samedi 24 octobre 2015

Au matin du samedi, l’air est humide, les silhouettes émergent doucement des tentes dressées la veille dans le champ. La colline qui nous fait face abrite le bruit sourd de l’hélicoptère, et les 110 hectares de forêts qui recouvrent les bâtiments de l’usine. Les 4 km de grillage d’enceinte représentent la moitié de la superficie du village. C’est, croirait-on, le bois communal, mais que les habitants n’ont jamais pu visiter, la petite forêt arrachée par l’industrie de l’armement. La rivière, elle-même ravie aux habitants par l’usine, dessine une frontière matérielle entre le village et NobelSport, entre le camp et sa cible.

On se retrouve sous le barnum central, la cantine s’active, la radio pirate du camp (radio poudrière) diffuse les premiers entretiens de la veille. Au programme une présentation des armes de la police, d’une ambulance partisane comme outil pour faire face à d’éventuels blessés et pour poser plus généralement la question du soin dans nos luttes. Quelques habitants du coin nous racontent l’histoire de l’usine, avec ses explosions, ses risques industriels et ses accidents du travail. Ils nous parlent de son emprise dans la vie du village. L’occasion de délivrer quelques informations sur son fonctionnement, ses protocoles de sécurité, ses points de faiblesse. L’occasion de mettre à jour l’opacité de ce type d’industrie, de susciter l’envie d’enquêter sérieusement sur ces infrastructures pour pouvoir les atteindre au cœur dans des moments plus déterminants. L’occasion enfin de remplir les carnets de contacts, de faire grandir la confiance gagnée la veille, et d’imaginer dès à présent des nouveaux moments de blocage.

Plus tard, des discussions sur les dynamiques de lutte en Bretagne et la manifestation de Landivisiau le 14 novembre prochain, sur les convois pour la COP 21, nous amèneront jusqu’au soir, où une marche aux flambeaux doit rendre hommage aux tués et blessés par la police. Nous savons que nous allons trouver face à nous le même dispositif que la veille. Cette marche devient alors l’occasion de conjurer pour de bon son attraction.

Une fresque en hommage à Rémi, des chants et des lectures introduisent le départ. Lentement, 300 personnes descendent vers les grilles. Arrivée à l’entrée du pont la foule s’arrête, certains s’assoient sur la chaussée, d’autres pointent les visières des flics avec des lasers. Les lectures commencent et l’épais grillage de police se dissipe peu à peu. On entend les récits du harcèlement quotidien exercé contre les gendarmes sur la zad de Notre-Dame-des-Landes après l’opération césar, les histoires de résistance dans les montagnes italiennes contre le TGV Lyon-Turin, on insulte ensemble la ligne de gendarmes au rythme du récit. Puis le temps d’organiser le départ, on se déleste des fusées d’artifice, des boulons et des pierres comme pour crever l’écran. On finit même par mettre le feu à la toile.

Sur le retour, tenailles et grappins s’échangent dans le cortège. Nous longeons les grilles de l’enceinte. Certaines sont arrachées pendant que d’autres sont soigneusement découpées dans la hauteur. Une disqueuse à batterie entame une entrée secondaire de l’usine et les lacrymos pleuvent mais heurtent les grilles avant de retomber doucement en contrebas sur les flics désorientés. Les manifestants s’agrègent au croisement de la rue qui remonte au camp et d’un commun élan :
On y va ensemble, on rentre ensemble.
Dimanche 25 octobre 2015

C’est le dernier jour du week-end et la préfecture annonce la couleur. Un arrêté stipule qu’à partir de midi et jusqu’à minuit la gendarmerie procédera au contrôle et à la fouille de tous les véhicules qui sortiront de Pont-de-Buis.

Sur le camp tout est paisible, nous commençons à démonter les barnums et à discuter des suites à donner à cette histoire. Localement une perspective se dessine, celle d’approfondir le travail d’enquête sur NobelSport avec tous les habitants rencontrés pendant le week-end, et celle d’entrevoir le blocage de l’usine en cas d’intervention sur la ZAD. Cette dernière idée résonne avec la proposition de coordonner les actions de blocage prévues dans la région pour disperser les forces de l’ordre. On dit souvent qu’une expulsion de la ZAD mobiliserait assez de flics pour qu’ils n’aient pas les moyens de protéger d’autres sites ailleurs dans la région. NobelSport devient dans cette perspective une cible privilégiée comme le sont, à une autre échelle, les principaux axes routiers de l’ouest.

Une équipe reste sur le camp pour finir de ranger les structures tandis que le gros des campeurs s’emploie à retourner vers l’usine. Cette fois nous laisserons les grilles antiémeute derrière nous.

Le temps de s’engouffrer dans un bois, de longer les rails de la voie de chemin de fer sur un viaduc surplombant la Douffine et nous voilà de l’autre coté de la rivière derrière le dispositif que nous narguions la veille. Une vraie ballade de repérage qui a permis à 300 personnes de découvrir une partie des chemins d’accès au grillage de l’usine. Une fois encore nous rencontrons sur un carrefour et devant l’entrée de l’usine un lourd contingent de gendarmes prêt à en découdre. La longue file indienne de marcheurs forme un cercle pour une assemblée improvisée. Une retraite stratégique s’impose à tous avec l’intime sentiment que nous allons nous retrouver là à nouveau en d’autres circonstances. Le cercle de l’assemblée se disloque alors pour former une ligne qui fond sur la police dans une charge hurlante. Les flics hébétés tirent quelques lacrymos, le cortège s’ébranle de nouveau, hilare, après cette scène. Après un bref affrontement sur le chemin du retour sur un terrain plus propice, la longue marche retourne vers le camp démonté.

La journée aurait pu s’arrêter là, mais les déclarations préfectorales du matin nous encouragent à une retraite plus flamboyante encore. On y va ensemble, on rentre ensemble.

La centaine de véhicules tournée vers l’entrée du camp fait gronder les moteurs, et traverse le village sous les nombreux saluts de habitants : ils ont compris que nous reviendrons, et ils semblent s’en amuser. Plus loin, les gendarmes nous bloquent, les passagers sortent des voitures, enfilent leurs capuches et presque aussitôt les portes s’ouvrent. La 4 voies est à 1km de là et le bruit court déjà que s’il nous bloquent on va la bloquer à notre tour.

Le long serpent de lumière s’arrête une dernière fois à la sortie du village, le temps de s’assurer que tout le monde est bien là, et le camp se dissipe au loin. On y va ensemble, on rentre ensemble.
Récit du week end de Pont-de-Buis, un an après la mort de Rémi Fraisse
23-24-25 octobre : grande réussite du week end d’actions contre l’armement de la police !

(texte retrouvé sur Indymedia Nantes)

C’est au fin fond du Finistère, dans un vallon verdoyant et humide qu’est implantée l’usine qui fabrique les armes de la police : Nobel Sport, producteur de grenades lacrymogènes, de balles en caoutchouc tirées par la police, et de balles de chasse.

Un an après la mort de Rémi Fraisse à Sivens, au cœur de l’automne, ce ne sont pas moins de 300 à 500 personnes chaque jour, venues de toute la France et de l’étranger, qui se sont retrouvées sur un campement situé à la sortie du bourg de Pont-de-Buis.

– Vendredi, 14H : les premiers manifestants se regroupent sur la place de la gare, déserte et survolée par un hélicoptère de la gendarmerie. La préfecture et les médias ont annoncé un déploiement policier massif : toute une partie du village est bouclée. Malgré les barrages, près de 500 personnes se retrouvent et démarrent en cortège en direction d’une des entrées de la poudrerie classée « SEVESO haut ». Une radio pirate, « radio poudrière », émet sur la zone pour diffuser des informations le déroulé du week end en temps réel.

Quelques taggs sont tracés en chemin : « Nobel Sport, marchand de mort », « De Paris à Tunis, désarmons la police ! », « SEVESOcialisme mortifère » alors que des slogans, des chants, et de la musique résonnent. Tous les ponts du bourg sont bloqués par des barricades policières et des canons à eau : le premier barrage croisé par la manifestation est repeint, peu après une prise de parole et une conférence de presse de l’Assemblée des blessés par la police. La manifestation repart, et s’oriente vers une petite passerelle vulnérable, indiquée par un habitant de Pont-de-Buis solidaire. Sur le ponton, un cordon de gendarmes doit reculer sur plus de 20 mètres après avoir été repeint en bleu, sous la pression de la tête de cortège et de quelques feux d’artifices, avant de faire pleuvoir des grenades lacrymogènes. La manifestation repart vers un champ qui servira de campement tout le week end. Le site est beau et le climat plutôt clément. Là bas, cantines autogérées, débats, fest-noz et buvette permettent à chacun-e de se réchauffer. Et toujours le bruit de l’hélicoptère, jusqu’à la nuit.

– Samedi, la journée est consacrée à des échanges. Le premier débat se concentre sur les armes de la police. Ce sont des blessés et des habitants de Pont-de-Buis qui introduisent les discussions. Parmi la grosse centaine de personnes qui débattent, on se traduit à voix basse les interventions dans plusieurs langues : espagnol, allemand, anglais. Une série de questions sont abordées. Comment, depuis 20 ans, le maintien de l’ordre se militarise ? En quoi l’industrie des armes policières et militaires est un marché florissant dont la France est l’une des championnes ? On y apprendra que l’usine Nobel Sport a déjà semé la mort dans le village de Pont-de-Buis, lors d’une explosion en 1975 ou à l’occasion d’accident réguliers qui touchent les gens qui y travaillent. On y entendra que 90% de la production est destinée à l’exportation, pour réprimer celles et ceux qui se révoltent partout autour du globe. On découvre la notion « d’armement rhéostatique » : pour chaque arme, les institutions peuvent décider du degré de létalité. Allant de la blessure à la mort.

Plus tard, des habitant-e-s du Finistère viennent raconter les luttes de territoire qui se multiplient : contre une centrale à gaz, contre des projets de mines, contre l’extension d’une base militaire, contre l’extraction de sable … La Bretagne est une terre de lutte, et à Pont-de-Buis même, nombreux seront les habitants qui, malgré la situation angoissante crée par la gendarmerie, témoigneront de leur sympathie pour les actions menées. Il y aura aussi, plus tard, des échanges sur la COP 21, et l’industrie de la violence en Israël.

En soirée, une marche aux flambeaux s’élance à nouveau dans le village, après une veillée aux lampions et des chants de lutte. Devant l’un des barrages, les policiers voient, médusés, une foule de plus de 300 manifestants s’asseoir pour écouter des lectures sur les luttes de Notre-Dame-des-Landes et du Val de Susa. Puis, quand le cortège repart, subitement, le dispositif reçoit une grêle de projectiles puis prend feu après avoir reçu feux d’artifices et coktails molotovs, et répond par une généreuse salve de gaz. Plus haut, de larges portions du grillage de l’usine tombent alors qu’un portail est en partie démonté. Les policiers présents dans l’enceinte de l’usine ripostent à l’aveugle par des grenades assourdissantes et lacrymogènes. Le cortège rentre au camp, sans qu’il n’y ait de blessés ni d’interpellés, après avoir démontré la vulnérabilité du site. Contrairement à ce qu’écrivent la presse et la préfecture, la poudrière n’est pas « inatteignable ».

– Dimanche 25 octobre, cela fait un an précisément que Rémi Fraisse a été tué. Une longue marche à travers champs, forêts et ruisseaux permet à plusieurs centaines de personnes de déjouer tous les dispositifs policiers pour atteindre l’entrée principale de l’usine d’armement. Devant le grand portail, une importante rangée d’armures, de canons à eaux, de véhicules tactiques. Les forces de l’ordre s’attendent à l’affrontement final en pleine prairie. Après un quart d’heure d’hésitations, une fausse charge est lancée par les manifestants hilares, sur une dizaine de mètres. Les gendarmes, visiblement impressionnés, bombardent le champ de gaz au bout de quelques secondes. A l’évidence, la peur a changé de camp. Le cortège décide de repartir sans chercher une confrontation perdue d’avance devant les grilles, et repart vers le camp non sans taquiner les différents dispositifs rencontrés en route, qui répondent par des jets massifs de gaz lacrymogène.

– Dimanche soir, dernière victoire du week end. Alors que la préfecture avait annoncé sa ferme intention de fouiller et contrôler tous les véhicules, et de procéder à des interpellations, un immense convois de voitures s’élance du camp vers la voie rapide. Les clients d’un kebab et d’un PMU saluent le convoi qui klaxonne en signe d’au revoir dans les rues de Pont-de-Buis. Un check point avec des unités anti-émeutes, survolé par un hélicoptère, est déployé à la sortie du bourg. Face à la détermination du convoi, – une immense colonne de véhicules en rangs serrés, entourée de manifestants prêts à se défendre – le chef des gendarmes est obligé de rappeler ses hommes, solidement armés et hors d’eux, pour éviter l’embrasement. Il n’y aura aucun contrôle ce soir.

Tout au long du week end d’action, les plans de la police ont été déjoués, sa violence évitée, son contrôle esquivé. C’est le plus bel hommage qui pouvait être rendu à toutes celles et ceux qui ont subi la violence d’État.

– Une vidéo de Taranis News sur la journée du vendredi : https://www.youtube.com/watch?v=5zESODqqb2s

– Un bon récit de Reporterre : http://www.reporterre.net/Dans-le-Finistere-une-manifestation-calme-pour-denoncer-l-usine-a-grenades

– Article dans CQFD à propos de l’usine d’armement de Pont-de-Buis :
http://cqfd-journal.org/Pont-de-Buis%E2%80%89-la-poudriere
FIL INFO :
Samedi 24 octobre :

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Voici un récit de la matinée

Ce matin, nous étions nombreux rassemblés sous le barnum du campement installé à quelques pas de Pont-de-Buis, à quelques pas de l’usine Nobel Sport, marchand de mort.

Les débats commencent avec une présentation des nouvelles armes de la Police, notamment le Flashball superpro et le LBD 40 dont l’usine Nobel Sport construit les projectiles.

Débats où l’on a appris parmi d’autres choses…

Comment, au milieu des années 90, sous l’impulsion de Guéant puis de Sarkozy, le flashball a été introduit dans certains corps de police, et son utilisation généralisée.

Comment son usage a opéré un glissement vers un maintien de l’ordre offensif. On ne se contente plus de contenir les corps, on les frappe, on les mutile.

Comment la police se militarise. Les mêmes armes et les mêmes techniques y sont utilisées et participent de la même économie.

Comment Nobel Sport fabrique des gaz lacrymogènes interdits par la convention de Genève, afin de les envoyer hors des frontières de l’Europe, sur le marché mondial. Ces dernières ont été exportées au Burkina Fasso pour réprimer les opposants à Blaise Campaoré.

Comment l’usine Nobel Sport passe de 110 employés à 200 voir 300 quand une révolte éclate quelque part dans le monde. Trois chaînes de production sont mises en place et tournent en permanence sur le rythme des trois huit.

Comment des blessé.es au Flash-Ball et au LBD 40 se sont organisé.es en assemblée pour s’entre-aider.

Comment être blessé.e, mutilé.e par un tir de LBD ou de Flashball, c’est immédiatement après faire face aux médias, à la police, à la justice et aux regards des autres.

Et comment il est nécessaire de se rassembler pour y répondre.

0ù l’on a appris que « désarmer la police » voulait aussi dire éradiquer dans les têtes, dans les mentalités, l’idée que la police protège.

Où l’on a appris ce qu’est « l’armement rhéostatique ». Pour chaque arme, les institutions peuvent décider du degré de létalité. Allant de la blessure à la mort.

Le débat a continué sur la présentation de l’ambulance partisane.

Il s’agit d’un véhicule où l’on peut venir se faire soigner pendant une mobilisation. Où l’on peut apprendre et partager les gestes des premiers secours.

Cette ambulance commencera bientôt une tournée à laquelle chacun.e peut participer pour échanger, se réapproprier ces gestes ainsi que les techniques et savoir-faire concernant le soin.

Et qu’il est possible de les contacter à l’adresse suivante : medecine@riseup.net

Le débat s’est fini sur une histoire de l’usine Nobel Sport.

Où l’on a appris qu’en 1975, l’usine a explosé soufflant toutes les maisons alentour, tuant trois personnes et en blessant 80 autres. Ce qui provoqua un départ important des habitants de Pont-de-Buis.

Où l’on a appris que Pont-de-Buis était une ancienne poudrière royale privatisée dans les années 80. Et qu’un administrateur de Nobel Sport et aussi administrateur de Vinci.

Où l’on a appris que l’usine occupe 100 hectares et 20 kilomètres de routes. À cause de cela, l’accès à la forêt et à la rivière sont interdits aux habitants.

On a appris plein d’autres choses, mais le mieux serait quand-même de nous rejoindre pour continuer à discuter entre-autre des luttes en cours dans le Finistère (Centrale à Gaz, Extraction minière, Méthaniseur et extraction de sable dans la baie de Morlaix.) et participer avec nous aux différentes mobilisations.

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Articles de presse dans L’express, Le Telegramme, Ouest France, France24

Récit de la suite de la journée

Samedi, après les discussions de la matinée, on discute sur le campement de la lutte contre la centrale « à cycles combinés à Gaz » à Landivisiau et de la manifestation samedi 14 novembre organisée par des collectifs en lutte contre des projets d’aménagement en Bretagne :

Appel pour une manifestation avec les collectifs en lutte le 14 novembre à Landivisiau

Tandis que les situations économiques, sociales et environnementales se dégradent chaque jour, la seule réponse des gouvernants est une fuite en avant. En imposant de nombreux projets (centrale à gaz, mines, forages, aéroports, méthaniseurs industriels…) sans considération pour la planète ni pour les populations, ils démontrent par là-même qu’ils ne prennent pas conscience des bouleversements en cours.
Réunis à l’initiative de l’association ” Landivisiau doit dire non à la centrale “, nous qui sommes issus de plusieurs associations et collectifs de lutte, nous nous levons et crions ASSEZ !

…à la gestion imposée et la destruction des territoires :
L’état et les groupes financiers, avec ou sans relais locaux, tentent de faire passer en force des projets élaborés dans des bureaux bien loin des besoins des territoires concernés. Leur irresponsabilité et leur incohérence vis-à-vis des enjeux climatiques et sociaux nous mobilisent ici, de la même façon que pour les pays où l’on pille les ressources.

Ces luttes, contre des projets d’aménagement du territoire, touchent précisément à la question de l’urgence climatique actuelle.

On a alors parlé de la COP21, des convois des territoires en lutte qui doivent converger à pied, à vélo, en tracteur, du sud, de l’ouest et de l’est. Certains sont même déjà partis. On a parlé des préparatifs en cours en région parisienne pour accueillir des gens venus du monde entier. On s’est échangé quelques adresses, quelques contacts pour continuer à organiser cela.

Pour Paris: : cop21@riseup.net

Pour NDDL: mslcnddl@riseup.net

Et pour les infos en général: marchesurlacop.noblogs.org

Le gros du convoi partira le 21 novembre de Notre-Dame-des-Landes pour arriver le 28 aux portes de Paris.

Il sera essentiellement constitué de cyclistes. Des tracteurs et quelques véhicules transporteront les personnes ne pouvant pas faire un long trajet à vélo, ainsi que la logistique.

(…)

Nous cheminerons depuis Notre dame des landes avec toute l’énergie du mouvement anti-aéroport, en créant en route des espaces de rencontres et de mobilisation. Comme de nombreux habitant-e-s, paysan-ne-s, migrant-e-s d’autres parties du monde qui subissent déjà en première ligne les conséquences du réchauffement climatique, nous savons que notre salut ne viendra pas des échanges de marchés carbones entre lobbies industriels et gouvernements, encore moins du capitalisme vert. Nous voulons participer à une reprise en main, par les populations et mouvements de lutte, de l’avenir de la planète.

Il est temps de sortir enfin du productivisme industriel, de la privatisation des biens communs, de la destruction des terres nourricières et de la marchandisation du vivant. Pour qu’émergent des possibles, à Notre dame des landes comme ailleurs, il s’agit de bloquer concrètement dès maintenant l’avancée de leurs projets nuisibles, imposés et climaticides. Il faut continuer à libérer des espaces où puissent s’inventer, ici et maintenant, d’autres formes de vie commune, de cultures et d’habitats tels qu’ils s’expérimentent aujourd’hui à Notre Dame à landes.

Enfin, on s’est arrêté de discuter pour manger. Big up aux cuisiniers et cuisinières qui ont nourri plus de 150 personnes pendant trois jours. Pendant ce temps, on finissait de construire une structure en bambous sur laquelle était accroché des centaines de lampions. En s’éloignant, une fois la structure levée, après un temps de chansons, on pouvait y lire le nom de Remi, ton nom brille dans la nuit.

La nuit tombe et nous partons pour une marche au flambeau dans Pont-de-Buis, avec un petit ampli à bretelles qui donne le ton, vers l’usine d’armement Nobel Sport, marchand de mort et pas de sport. À l’entrée de la route, encore une fois, la police barre l’accès à l’usine avec ses hautes grilles anti-émeute. Le décor est planté, le spectacle va pouvoir commencer… On lit des textes, des récits de lutte à Notre-Dame-Des-Landes, et dans la vallée No-Tav du val de Susa. Les manifestants et manifestantes dans la nuit, face à la police, écoutent attentivement. Cela dure et puis cela s’arrête. On crie, on hurle au loup, on allume des pétards, on secoue les grilles anti-émeute et on remonte doucement. Sur le trajet du retour, aux rythmes de cumbia et d’electro rap, quelques grilles de l’Usine seront arrachées Les policiers présents ne pourront rien y faire, la poudrière n’est pas si inatteignable.

On rentre au campement ensemble, et de nouveau l’on mange. Big up aux cuisiniers et cuisinières qui ont rassasié tout cette troupe encombrée.

On enchaine sur un film, le business de la répression as usual made in Israel, avec comme terrain d’expérimentation la Palestine, et comme marché le monde entier.

Le business de la mort en toute fraternité, les flics et militaires du monde entier uni pour flinguer…La soirée se prolonge ensuite, autour de la bière et des braseros, sous le barnum au sol de paille.

Au lendemain matin, le démontage du camp se fait rapidement, et l’on discute de la suite de la journée ainsi que de la coordination d’actions de résistances et de blocages en cas d’attaque de la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes à l’hiver ou ensuite.
grilles au lendemain
grilles au lendemain

grilles au lendemain
grilles au lendemain
Hommage a Remi
Hommage a Remi

Vendredi 23 octobre :

20h45 : Voici un récit de la journée à Pont-de-Buis

Donc, le week-end de mobilisation contre l’usine d’armement de Pont-de-Buis a commencé.

Cela a commencé sur les ondes, avec radio Poudrière (98,6) qui diffuse en continu les infos sur la mobilisation.

Cela a commencé avec d’énormes Dazibao en papier mâché représentant les fameuses armes et munitions avec lesquelles la police mutile et tue.

Cela a commencé avec le champ prêté par un habitant de Pont-de-Buis sur lequel le campement se trouve en ce moment.

Cela a aussi commencé avec les barrages filtrants, les routes barrées tenues par les gendarmes qui ont ralenti pas mal d’entre nous sur le chemin de Pont-de-Buis.

Et bien sûr, l’impayable hélicoptère qui ne nous lâchera pas de la journée.

On se retrouve finalement 400 personnes dans le centre de Pont-de-buis.

Quelques tags : « Face à la police, légitime défiance. » « Nobel sport, noble mort. »

Quelques slogans : « Les policiers à la vaisselle, les Flash-ball à la poubelle. » « Nobel Sport, marchand de mort ».

Et puis une grande, très grande banderole peinte sur lequel on reconnaît le visage de Rémi Fraisse avec l’inscription : « Rémi, présent dans nos luttes. »

Après une heure, le cortège s’ébranle.

La police nous attend sur le pont qui mène à l’entrée de l’usine avec canon à eau et grille anti-émeute. Devant les grilles, au milieu des slogans, des tags et des jets de peinture, l’assemblée des blessées qui réunit des personnes blessées, par des tirs de Flash-ball et de LBD 40 tiendront comme ils l’avaient prévu, une conférence de presse.

Impossible d’aller plus loin. Les gendarmes nous cantonnent dans le centre ville.

C’est une interdiction de manifester de fait.

Depuis la mort de Rémi Fraisse, le gouvernement remet régulièrement en cause le droit de manifester en pratiquant des arrestations préventives, en bloquant les manifestants dans de gigantesques nasses, etc.

Le préfet dit ne pas avoir interdit la manifestation, mais il a mis tout en place pour empêcher son déroulement.

On tente un peu plus loin, mais on tombe sur un autre barrage. On est repoussé par des gaz lacrymogène.

On revient dans le centre.

Entre temps, de nombreuses personnes nous ont rejointes. Nous partons vers le camp en colonne motorisée.

Le Week-End continue.

Ce soir par un festnoz.

Samedi par une journée de discussions.

Dimanche par une journée d’action.

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« à emporter sur place »
« à emporter sur place »

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une partie de l’usine Nobelsport au loin

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un poème écrit par le père de Rémi Fraisse, lu au départ de la manifestation de Sivens & à Pont-de-Buis:

J’ai fait un rêve

J’ai fait un rêve Rémi, tu nous quittes dans un faisceau lumineux.

J’ai fait un rêve Rémi, la renoncule à feuille d’ophioglosse fleurit sur toutes les zones humides qui se multiplient partout en France.

J’ai fait un rêve Rémi, l’humour et le détachement de soi sont à l’intérieur de nous tous.

J’ai fait un rêve Rémi, plus jamais la France ne se mutilera avec des grenades offensives.

Que ta mémoire, Rémi, soit le gardien de l’interdiction de ces armes.

Je ne rêve plus.

Texte de Jean-Pierre Fraisse, père de Remi Fraisse, lu au début de la manif.

19h40 : la manifestation s’est terminée, tout le monde s’est dirigé vers le camps, où il y a un repas ce soir.. suivi par un FEST NOZ, crèpes, bar,…! Parking, camping sur place, dans le champs (merci de ne pas se garer devant chez les voisins)

ouest france a fait un suivi en direct de la manif : http://www.ouest-france.fr/manifestation-pont-de-buis

12h45 : Le camp contre l’armement de la police est bien installé, vous pouvez appeler le 0677670242 pour le rejoindre. Le camp ce situe au niveau du hameau ‘Lanvélé’.

Depuis la 4voies Quimper-Brest N165, prenez la sortie 61 (la première sortie Pont-de-Buis en venant de Quimper. Attention, il y en a deux!). Au stop, prenez la direction Pont-de-Buis (D770). Continuez tout droit, jusque dans le bourg. Tournez à droite (Rue de la Promenade) avant d’arriver à la gare de Pont-de-Buis, puis continuez tout droit dans la Rue du Poulhi. Le camp sera indiqué, elle se situe juste avant le virage au niveau du hameau de Lanvélé.

– Contrôle de véhicules sur le D770 (première sortie depuis la 4voie en venant de Nantes) au rond point avant le CASINO. Et toujours sur la D770 au niveau de la route qui mène à l’entrée de l’usine.

– Ouest France signale que :  » Les principales artères menant à l’usine vont être barrées. Le site Internet de la mairie annonce que toute circulation et stationnement sont proscrits dans les rues du Beuzit et Squiriou jusqu’au lundi à 9 h. Les habitants sont aussi invités à se munir de papiers d’identité ou d’un justificatif de domicile. » (Article en entier sur http://www.ouest-france.fr)
Jeudi 22 octobre :
Attention : un communiqué de la mairie de Pont-de-Buis indique de très probables contrôles aux entrées du village !
restriction circulation

Il s’agit évidemment d’éffrayer la population, à qui nous rappelons que la manifestation n’est pas contre les habitants de Pont-de-Buis, mais veut s’attaquer à l’industrie d’armement, à Pont-de-Buis, comme ailleurs !

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vidéo sur NOBELSPORT : https://www.youtube.com/watch?v=dHkjIZav0n8

sur facebook : 23-24-25 octobre : week end contre l’armement de la police

voici un tract écrit par des habitants de Pont-de-Buis : tract avis à la pooulation

article dans CFDQ : http://cqfd-journal.org/Pont-de-Buis-la-poudriere

communiqué de l’Assemblée des Blessées : https://blogs.mediapart.fr/blog/assemblee-des-blesses/

article dans Ouest France : 12088214_155791138105265_553971383237394525_n
Le 25 octobre 2015, un an après la mort de Rémi Fraisse, nous organisons un week-end d’actions contre l’usine Nobelsport fabricant de grenades lacrymogènes et de balles de défense. L’objectif est simple :

– Mener une percée dans l’imaginaire en cherchant de nouveaux points de vulnérabilité de la police et mettre en lumière la source des armes qui mutilent et tuent nos compagnons de lutte, ici en France et sur toute la planète.

– Apprendre ensemble les techniques collectives pour bloquer ce type d’industrie.

L’histoire aura voulu que ce début d’année 2015 marque un tournant majeur dans l’image dégradée des forces de l’ordre après 10 ans de mutilations et d’assassinats répétés.

Dans la rue d’abord, les soubresauts estudiantins des années 2000 sont venus s’ajouter à la colère des banlieues. Tous deux ont mis à jour l’un des aspects principal du maintien de l’ordre : une force essentiellement dissuasive qui le cas échéant contient l’affrontement dans un dispositif qu’elle a préméditée.

Dans les bocages plus récemment, la résistance aux projets d’infrastructures a eu raison un temps du savoir faire français en matière de contrôle d’un territoire. Les gendarmes se sont littéralement embourbés à Notre-Dame-des-Landes et leur naufrage a eu pour conséquence prévisible un usage frénétique de leurs armes entraînant de nombreuses blessures, et le 25 octobre 2014, la mort de Rémi Fraisse sur la Zad du Testet.

Dans la presse enfin, les experts de la sécurité intérieure ont subit l’un des plus gros échec de leur courte histoire en 2008 avec l’affaire de Tarnac. La figure construite de toutes pièces de l’ennemi intérieur devenait en quelques semaines le tombeau de ceux qui l’avaient brandie comme un épouvantail. Exit MAM, Fragnoli, exit les barbouzes de la DCRI chacun d’eux est sorti par la petite porte.

Et si on a perdu l’habitude des petites guerres sales menées aux confins des services de la sécurité intérieure, l’affaire Tarnac relève le niveau. Comme cette histoire en 2009 de disparition d’un militant basque, Jon Anza, dans un train pour Toulouse, qui réapparrait un an plus tard, anonyme, dans une morgue.

Puis, contre toute attente, un attentat frappe le siège de Charlie Hebdo aux premiers jours de l’année 2015. Plusieurs policiers meurent à cette occasion. Branle bas de combat international, tout est mis en œuvre pour orchestrer une des plus spectaculaires mobilisations des dernières années. Le peuple se dresse derrière sa police, et la lourde ardoise accumulée depuis plus de dix ans s’efface presque aussitôt. Des centaines de milliers de personnes défilent auprès de plusieurs chefs d’état et acclament les snipers qui sécurisent la manifestation. Belle démonstration de force de l’antiterrorisme qui trouve enfin sa traduction populaire. Et dans les deux mois qui suivent cet événement morbide, l’état répond méthodiquement à chacune des erreurs qu’il a accumulé.

Le 6 mars 2015 la Zad du testet est expulsée par 200 Paysans de la FNSEA accompagnés par un lourd contingent de gendarmes venu avec une douteuse position de neutralité afin d’ éviter l’escalade de la violence.

En mai 2015, le tribunal de grande instance de Paris rejette le recours civil de la famille de Jon Anza, tout en reconnaissant « un dysfonctionnement au niveau de l’enquête tant de la part de la police que du parquet », mais « pas de faute lourde ».

Le 18 mai, les deux policier responsables de la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois en 2005 sont relaxés après 10 ans de procédures.

Le 7 du même mois, la presse annonce la tenue d’un procès en antiterrorisme dans le cadre de l’affaire de Tarnac pour trois des inculpés.

Au même moment la commission parlementaire créée par Noël Mamère suite à la mort de Rémi Fraisse, louvoie sur les moyens accordés à la police et entérine leur nouvel armement. Conséquence directe, au flashball se substitue le LBD (Lanceur de balles de défense), plus précis et plus puissant que son prédécesseur.

Et pour couronner le tout, une proposition de loi sur le renseignement légalise toutes les techniques de surveillance que la police pratiquait dans l’ombre. Le message a le mérite d’être clair, plus rien ne viendra entraver l’exercice du maintien de l’ordre, dont l’imaginaire rénové concède à chacun de ses agents la plus respectable des fonctions : celle de protéger la population contre le chaos organisé. Ce que le message oublie de préciser c’est que pour le pouvoir, le chaos organisé qu’il faut conjurer n’a pas grand-chose à voir avec le spectre réinventé de Ben Laden, mais repose dans toutes les manières de vivre, d’habiter, de se rencontrer, de s’organiser qui échappent aux grilles d’analyses du présent.

Aujourd’hui pourtant, il n’est de secret pour personne que la police tue, elle tue tous les ans, à plusieurs reprises, avec les mêmes armes et sous la même autorité, et quand elle ne tue pas elle mutile. Si cette vérité est depuis longtemps d’une banalité affligeante dans les banlieues françaises, elle restait inexistante dans les manifestations.

Depuis la mort de Malik Oussekine en 86, le maintien de l’ordre à la française faisait office d’exemple pour toute l’Europe. Un savoir-faire irréprochable, disait-on, conjugué à un armement fiable bien que de plus en plus létal. En 10 ans et sur différents terrains de lutte, cette maîtrise si fièrement publicisée a fait l’épreuve d’une détermination nouvelle, et surtout d’une extension du champ de l’affrontement. Incendies et saccages dans les banlieues, confrontations dans les bocages, généralisation des techniques de blocage jusqu’à certains cadres de la CGT, sabotages d’outils de travail, de lignes haute tension, les occasions ne manquent pas pour les autorités de se mesurer à des formes de contestation plus hétéroclites. Depuis dix ans maintenant la police ne cesse de réajuster ses méthodes d’intervention et chaque nouveau conflit, chaque revers encaissé est une occasion pour elle d’améliorer sa capacité d’intervention, d’affiner sa doctrine.

Un rapport récent indique à ce propos que l’utilisation des grenades offensives est circonscrite en France à trois types de territoires, les banlieues, les dom tom et les zad. Ce que les pouvoirs se complaisent à qualifier zone de non-droit semblent bénéficier d’un statut particulier et deviennent de véritables laboratoires pour les autorités.

Après les banlieues, les usines, les facs, les lycées, c’est au tour des Zad et de leurs ramifications urbaines d’être l’un des principaux objets d’étude des entrepreneurs de la sécurité.

Dépasser la peur

Il faut reconnaître une certaine tétanie dans les mouvements de lutte face à l’effet ravageur des armes du maintien de l’ordre et à leur usage devenu presque systématique. Si nous étions surpris de voir si peu de monde descendre dans la rue suite à la mort de Rémi, nous l’étions moins de constater les clivages que cette séquence a fait ressurgir dans les mouvements. La crainte plus ou moins fondée de voir se répéter dans les manifs anti répression le même dispositif d’affrontement entraînant les mêmes conséquences, a eu raison de la réaction massive à cet assassinat. Planait comme un sentiment d’abandon pour ceux qui descendaient dans les rues et de dépossession pour ceux qui craignaient les débordements, les blessures etc. La police, elle, s’est contentée de boucler intégralement les centre-villes et d’alimenter le sentiment de crainte par assauts médiatiques successifs.

Cependant, une chose importante et significative s’est produite. Bien que la peur couvrait d’un épais nuage l’atmosphère des manifestations de l’automne, chacune d’entre elles comme à Nantes et Toulouse rassemblait de plus en plus de monde. Et seul le temps et la répétition jouaient contre les manifestants. Il y avait là une colère contenue qui cherchait ses formes d’expression entre prises de rue, blocages de gendarmerie et d’usine d’armement.

La peur est un sentiment paradoxal qui appelle à la fois au replis, à la fois au dépassement. La première réaction, la plus courante produit en substance ce qui fait mourir les luttes ou qui les maintient dans un certain état d’agonie. Chaque peur prend le pas sur l’élaboration. Celle de devoir assumer des pratiques d’affrontement, celle de voir des compagnons de lutte se dissocier de certains actes, celle de trahir son identité politique, et bien d’autres encore.

Toutes ces peurs sont la conséquence en même temps que le moteur de la répression. Elle mettent en lumière ce qui depuis une fragilité de composition ouvre une brèche pour amoindrir la puissance d’un mouvement.

Le meilleur rempart à ce type d’effet c’est de trouver les conditions pour construire une forme de confiance commune, qui n’efface pas les désaccords mais qui prend acte de certaines nécessités stratégiques dans une lutte qui se confronte à un appareil d’état. En somme, la confiance qui nous a permis de repousser 2000 flics en 2012 sur la ZAD, de bloquer en 2011 un train de déchets nucléaires pendant plusieurs heures, d’amener 500 tracteurs dans les rues de Nantes, ou encore de mettre en échec des rafles de sans papier comme à Montreuil.

Il n’y a pas de fatalité derrière les obstacles que nos histoires traversent, il n’y a que des dépassements possibles.

Déplacer le conflit

On le sait, la question du conflit est un des nœuds indémêlables des luttes que nous menons ensemble. Certains le situent sur le terrain juridique, d’autres sur celui des média et de l’opinion publique, d’autres encore sur le terrain de l’action dans la rue, et les clivages ne manquent pas à ce propos.

Reste que beaucoup semblent d’accord pour prétendre qu’une certaine composition entre toutes ces idées produit de la puissance, une puissance capable de défaire les plus audacieuses percées du maintien de l’ordre.

Ce que la conjonction de ces formes permet, c’est d’extraire chacune d’entre elle de son isolement propre.

Réduire le conflit politique à l’affrontement de rue, c’est au mieux avoir l’impression de faire peur au pouvoir, au pire perdre un œil ou la vie.

Assumer une foi sans limite dans « l’opinion publique » c’est abandonner aux journalistes la manière d’énoncer nos idées et leur laisser le monopole de la pensée politique.

S’en remettre à la justice c’est faire preuve d’une croyance aveugle dans une indépendance consumée depuis les premières minutes de sa création.

Pourtant, conjuguer par exemple ces trois dimensions c’est donner les moyens à chacune de soutenir le rapport de force qui lui est imposé. Le soutenir en déplaçant les termes du conflit.

Le maintien de l’ordre ne trouve sa puissance que lorsqu’il a face à lui une force qui se soumet à la symétrie qu’il impose ou parfois qu’il supervise (comme à Sivens récemment).

Déplacer le conflit ne signifie pas qu’il faut renoncer aux pratiques de luttes qui ont fait notre force, il faut en revanche les sortir de l’isolement que l’autorité leur impose. Contourner un dispositif plutôt que le prendre de front, utiliser le droit pour mettre en lumière les irrégularités d’une opération de maintien de l’ordre et la ralentir en conséquence, déjouer à l’unisson les figures médiatiques fabriquée de toutes pièces, bref ramener à soi chaque possibilité comme des options stratégiques plutôt que comme des vérités immuables. L’industrie de l’armement en France a cette double particularité d’être à la pointe des exigences internationales en matière de maintien de l’ordre tout en bénéficiant d’une relative opacité sur la destination de sa production. Pourtant, si en Grèce ceux qui subissent quotidiennement la police sont bien en peine de pouvoir s’attaquer aux producteurs d’armement c’est parce que les armes qui servent à les mutiler viennent de chez nous. Aussi la mort d’un adolescent lors de l’anniversaire de l’occupation du parc Gezi en Turquie il y a un an provient de l’explosion d’une grenade française. Partout et jusque dans les insurrections arabes l’industrie de l’armement français produit le même désastre. Mettre en lumière l’existence de ce type d’industrie n’est rien d’autre que commencer à la sortir de la niche dans laquelle elle est logé et trouver les moyens pour la bloquer.

Pratiques de lutte

S’intéresser au fonctionnement de la police, comme de la justice, y trouver des failles, et les partager, savoir ce qu’ils mangent, comment ils se déplacent, qui les arme et comment ils s’arment, c’est autant de questions que nous souhaitons nous poser pour chercher des manières d’agir. Connaître ces failles pour pouvoir aussi, à un moment opportun, être capable d’amoindrir la capacité de nuisance de ce type d’industrie.

L’idée de se retrouver à Pont de Buis remonte à décembre dernier où suite aux manifestations répondant à la mort de Rémy Fraisse, nous étions plus de 200 à nous être retrouvés devant les portes de Nobelsport sans trop savoir ce qu’il y avait à l’intérieur. Cette expérience nous a appris une chose. Il a suffi d’être ce nombre à tourner autour des grilles d’enceinte de l’usine pour bloquer sa production. Là réside toute la limite d’un site de production d’explosifs soumis à une réglementation drastique. Une simple présence hostile suffit à interrompre la production. Aujourd’hui nous souhaitons aller plus loin dans l’expérimentation des pratiques de blocage de ce type d’industrie. Comment fonctionnent les unités de production, quelles routes empruntent les transporteurs, pour se rendre sur quels sites de stockage, en somme, mettre à jour la petite économie secrète que constitue l’armement de la police et trouver les moyens de la perturber.

Et Nobel Sport dans tout ça

Nobel Sport, c’est une des grandes boîtes de production d’armement de maintien de l’ordre qui existent en France, elle gère la poudrerie de Pont de Buis depuis 1996 et y fabrique pêle-mêle, grenades, cartouches etc. Elle arme non seulement la police mais aussi l’armée et vend ses produits à divers pays étrangers. Quatre établissements sont répartis sur tout le territoire, dont le siège à Paris. La société est dirigée par un ensemble de sept actionnaires évoluant entre l’industrie de l’armement et la finance. C’est une boîte parmi d’autres, nous verrions autant de sens à cibler Alsetex dans la Sarthe ou Verney Carron à Saint Etienne, comme d’ailleurs toutes les sociétés qui équipent les forces de l’ordre, de l’uniforme jusqu’à la peinture des camions. Le site de production représente environ la moitié de la superficie du village, soit plusieurs kilomètres de grillages d’enceintes. Il s’inscrit dans un territoire longtemps dévolue à l’industrie du maintien de l’ordre. École de gendarmerie de Chateaulin, base de sous-marins nucléaires de l’île longue, la présence des autorités ne manque pas dans cette région. Ce que l’on connaît de cette usine, à part son implication historique dans les menées guerrières de Louis 14, c’est la triste réalité d’une industrie hautement explosive, emportant régulièrement avec elle la vie de quelques ouvriers ou les fenêtres des maisons. Les deux moments qu’on retiendra entre 1975 et aujourd’hui laisse quelques sueur froides à qui veut bien imaginer ce que peux signifier vivre à coté d’une usine à poudre.

Collectif Pont-de-Buis 2015

Vidéo du samedi soir :

Texte sur lundi.am :
Pont-de-Buis, octobre 2015.
On y va ensemble, on rentre ensemble.

Voilà deux semaines que nous annoncions la tenue d’un festival contre les armes de la police à Pont-de-Buis, petite bourgade du Finistère. Voilà plusieurs années que la police blesse ou mutile régulièrement des manifestants ou de simples badauds lors d’opérations de sécurisation de l’espace public. Qui ne connait pas un cousin éborgné par un tir de flashball « maladroit » ? En France, c’est (entre autres) l’entreprise Nobelsport qui élabore et vend ces armes. « Bon vivant rimant avec prévoyant », ce week-end d’octobre, des manifestant ont pris les devants. Des lecteurs de lundimatin nous racontent.

Les douze voitures bardées de caravanes, barnums et cantines s’enfoncent dans la nuit. Il s’agit d’atteindre un champ qui surplombe le Colisée de la Douffine, sur les hauteurs de Pont-de-Buis. 15 km et 3 pannes plus loin le cortège s’arrête, la nuit est calme, il faut maintenant monter le camp.

Nous sommes le 22 au soir, au fond du Finistère, aux abords de NobelSport, principale usine d’armement de la région. Demain on marche sur l’usine pour bloquer sa production. Le défi est posé et la préfecture le relève, elle décide de nous empêcher d’approcher du site. Au même moment à 800 km de là, la famille de Rémi Fraisse, tué par les gendarmes un an plus tôt sur la zad du Testet, essuie une série d’offenses publiques et d’interdictions préfectorales. Impossible pour elle de rendre hommage à Rémi sans être accompagnée par ceux-là même qui lui ont pris la vie. Le cadre est posé, cette date anniversaire doit passer inaperçue : la police tue, le calme règne.
Vendredi 23 octobre 2015

À Pont-de-Buis, le vendredi matin, l’infoline circule. Objectif : atteindre le point de rassemblement au milieu du village. La gendarmerie a barré tous les accès à l’exception de l’entrée sud. Pendant deux heures, les manifestants contournent le dispositif pour arriver sur la place. Il est 16h, nous sommes près de 500 et, en contrebas, les canons à eau précédés par des grilles bloquent les deux ponts d’accès à l’usine.

Le piège est tendu comme un an avant dans les rues de Nantes, une grille antiémeute comme seul réceptacle à la détermination des manifestants, un écran blanc pour réduire la colère en spectacle. Dès cet instant la foule masquée et partiellement équipée pour le combat est mise face à ses propres contradictions. Subir ou choisir le lieu et le moment de l’affrontement. Tenir un point de cristallisation ou foncer la tête baissée dans un mur. Autant de questions irrésolues dans nos stratégies de lutte. Il existe des surgissements assez conséquents pour percer des dispositifs de la sorte, rien ne justifie pourtant de s’y acharner lorsqu’on est sûrs de perdre.

Une prise de parole publique de l’assemblée des blessés par la police permettra d’éviter le flottement indésiré et de charger de sens notre présence. La manif repart pour tenter sa chance ailleurs, après que le camion des bleus a été maculé d’un orange éclatant. Quelques conseils bien placés d’habitants du village nous conduisent ensuite devant une passerelle gardée par un dispositif beaucoup moins lourd. Une charge plus loin, les manifestants prennent possession de la passerelle avant de faire demi-tour. Un extincteur rempli de peinture pour inonder les visières des gendarmes, quelques pierres pour accompagner leur retraite et nous étions presque de l’autre coté de la rivière. Mais l’enjeu au fond n’était pas là. Notre but n’était pas de nous introduire dans l’usine, il nous reste à découvrir les gestes qui permettraient d’y faire autre chose que précipiter la catastrophe. Notre objectif était de la rendre visible et de bloquer sa production, ce qui était le cas ce vendredi.

A la veille de deux jours de discussions et d’action il fallait éprouver une certaine intelligence collective. Le slogan no tav « si parte, si torna, insieme » (on y va ensemble, on rentre ensemble) gagne progressivement l’ambiance du week-end. Après cette démonstration, nous remontons vers le camp et le temps d’une nuit de fête nous célébrons cette première journée.
Samedi 24 octobre 2015

Au matin du samedi, l’air est humide, les silhouettes émergent doucement des tentes dressées la veille dans le champ. La colline qui nous fait face abrite le bruit sourd de l’hélicoptère, et les 110 hectares de forêts qui recouvrent les bâtiments de l’usine. Les 4 km de grillage d’enceinte représentent la moitié de la superficie du village. C’est, croirait-on, le bois communal, mais que les habitants n’ont jamais pu visiter, la petite forêt arrachée par l’industrie de l’armement. La rivière, elle-même ravie aux habitants par l’usine, dessine une frontière matérielle entre le village et NobelSport, entre le camp et sa cible.

On se retrouve sous le barnum central, la cantine s’active, la radio pirate du camp (radio poudrière) diffuse les premiers entretiens de la veille. Au programme une présentation des armes de la police, d’une ambulance partisane comme outil pour faire face à d’éventuels blessés et pour poser plus généralement la question du soin dans nos luttes. Quelques habitants du coin nous racontent l’histoire de l’usine, avec ses explosions, ses risques industriels et ses accidents du travail. Ils nous parlent de son emprise dans la vie du village. L’occasion de délivrer quelques informations sur son fonctionnement, ses protocoles de sécurité, ses points de faiblesse. L’occasion de mettre à jour l’opacité de ce type d’industrie, de susciter l’envie d’enquêter sérieusement sur ces infrastructures pour pouvoir les atteindre au cœur dans des moments plus déterminants. L’occasion enfin de remplir les carnets de contacts, de faire grandir la confiance gagnée la veille, et d’imaginer dès à présent des nouveaux moments de blocage.

Plus tard, des discussions sur les dynamiques de lutte en Bretagne et la manifestation de Landivisiau le 14 novembre prochain, sur les convois pour la COP 21, nous amèneront jusqu’au soir, où une marche aux flambeaux doit rendre hommage aux tués et blessés par la police. Nous savons que nous allons trouver face à nous le même dispositif que la veille. Cette marche devient alors l’occasion de conjurer pour de bon son attraction.

Une fresque en hommage à Rémi, des chants et des lectures introduisent le départ. Lentement, 300 personnes descendent vers les grilles. Arrivée à l’entrée du pont la foule s’arrête, certains s’assoient sur la chaussée, d’autres pointent les visières des flics avec des lasers. Les lectures commencent et l’épais grillage de police se dissipe peu à peu. On entend les récits du harcèlement quotidien exercé contre les gendarmes sur la zad de Notre-Dame-des-Landes après l’opération césar, les histoires de résistance dans les montagnes italiennes contre le TGV Lyon-Turin, on insulte ensemble la ligne de gendarmes au rythme du récit. Puis le temps d’organiser le départ, on se déleste des fusées d’artifice, des boulons et des pierres comme pour crever l’écran. On finit même par mettre le feu à la toile.

Sur le retour, tenailles et grappins s’échangent dans le cortège. Nous longeons les grilles de l’enceinte. Certaines sont arrachées pendant que d’autres sont soigneusement découpées dans la hauteur. Une disqueuse à batterie entame une entrée secondaire de l’usine et les lacrymos pleuvent mais heurtent les grilles avant de retomber doucement en contrebas sur les flics désorientés. Les manifestants s’agrègent au croisement de la rue qui remonte au camp et d’un commun élan :
On y va ensemble, on rentre ensemble.
Dimanche 25 octobre 2015

C’est le dernier jour du week-end et la préfecture annonce la couleur. Un arrêté stipule qu’à partir de midi et jusqu’à minuit la gendarmerie procédera au contrôle et à la fouille de tous les véhicules qui sortiront de Pont-de-Buis.

Sur le camp tout est paisible, nous commençons à démonter les barnums et à discuter des suites à donner à cette histoire. Localement une perspective se dessine, celle d’approfondir le travail d’enquête sur NobelSport avec tous les habitants rencontrés pendant le week-end, et celle d’entrevoir le blocage de l’usine en cas d’intervention sur la ZAD. Cette dernière idée résonne avec la proposition de coordonner les actions de blocage prévues dans la région pour disperser les forces de l’ordre. On dit souvent qu’une expulsion de la ZAD mobiliserait assez de flics pour qu’ils n’aient pas les moyens de protéger d’autres sites ailleurs dans la région. NobelSport devient dans cette perspective une cible privilégiée comme le sont, à une autre échelle, les principaux axes routiers de l’ouest.

Une équipe reste sur le camp pour finir de ranger les structures tandis que le gros des campeurs s’emploie à retourner vers l’usine. Cette fois nous laisserons les grilles antiémeute derrière nous.

Le temps de s’engouffrer dans un bois, de longer les rails de la voie de chemin de fer sur un viaduc surplombant la Douffine et nous voilà de l’autre coté de la rivière derrière le dispositif que nous narguions la veille. Une vraie ballade de repérage qui a permis à 300 personnes de découvrir une partie des chemins d’accès au grillage de l’usine. Une fois encore nous rencontrons sur un carrefour et devant l’entrée de l’usine un lourd contingent de gendarmes prêt à en découdre. La longue file indienne de marcheurs forme un cercle pour une assemblée improvisée. Une retraite stratégique s’impose à tous avec l’intime sentiment que nous allons nous retrouver là à nouveau en d’autres circonstances. Le cercle de l’assemblée se disloque alors pour former une ligne qui fond sur la police dans une charge hurlante. Les flics hébétés tirent quelques lacrymos, le cortège s’ébranle de nouveau, hilare, après cette scène. Après un bref affrontement sur le chemin du retour sur un terrain plus propice, la longue marche retourne vers le camp démonté.

La journée aurait pu s’arrêter là, mais les déclarations préfectorales du matin nous encouragent à une retraite plus flamboyante encore. On y va ensemble, on rentre ensemble.

La centaine de véhicules tournée vers l’entrée du camp fait gronder les moteurs, et traverse le village sous les nombreux saluts de habitants : ils ont compris que nous reviendrons, et ils semblent s’en amuser. Plus loin, les gendarmes nous bloquent, les passagers sortent des voitures, enfilent leurs capuches et presque aussitôt les portes s’ouvrent. La 4 voies est à 1km de là et le bruit court déjà que s’il nous bloquent on va la bloquer à notre tour.

Le long serpent de lumière s’arrête une dernière fois à la sortie du village, le temps de s’assurer que tout le monde est bien là, et le camp se dissipe au loin. On y va ensemble, on rentre ensemble.
Récit du week end de Pont-de-Buis, un an après la mort de Rémi Fraisse
23-24-25 octobre : grande réussite du week end d’actions contre l’armement de la police !

(texte retrouvé sur Indymedia Nantes)

C’est au fin fond du Finistère, dans un vallon verdoyant et humide qu’est implantée l’usine qui fabrique les armes de la police : Nobel Sport, producteur de grenades lacrymogènes, de balles en caoutchouc tirées par la police, et de balles de chasse.

Un an après la mort de Rémi Fraisse à Sivens, au cœur de l’automne, ce ne sont pas moins de 300 à 500 personnes chaque jour, venues de toute la France et de l’étranger, qui se sont retrouvées sur un campement situé à la sortie du bourg de Pont-de-Buis.

– Vendredi, 14H : les premiers manifestants se regroupent sur la place de la gare, déserte et survolée par un hélicoptère de la gendarmerie. La préfecture et les médias ont annoncé un déploiement policier massif : toute une partie du village est bouclée. Malgré les barrages, près de 500 personnes se retrouvent et démarrent en cortège en direction d’une des entrées de la poudrerie classée « SEVESO haut ». Une radio pirate, « radio poudrière », émet sur la zone pour diffuser des informations le déroulé du week end en temps réel.

Quelques taggs sont tracés en chemin : « Nobel Sport, marchand de mort », « De Paris à Tunis, désarmons la police ! », « SEVESOcialisme mortifère » alors que des slogans, des chants, et de la musique résonnent. Tous les ponts du bourg sont bloqués par des barricades policières et des canons à eau : le premier barrage croisé par la manifestation est repeint, peu après une prise de parole et une conférence de presse de l’Assemblée des blessés par la police. La manifestation repart, et s’oriente vers une petite passerelle vulnérable, indiquée par un habitant de Pont-de-Buis solidaire. Sur le ponton, un cordon de gendarmes doit reculer sur plus de 20 mètres après avoir été repeint en bleu, sous la pression de la tête de cortège et de quelques feux d’artifices, avant de faire pleuvoir des grenades lacrymogènes. La manifestation repart vers un champ qui servira de campement tout le week end. Le site est beau et le climat plutôt clément. Là bas, cantines autogérées, débats, fest-noz et buvette permettent à chacun-e de se réchauffer. Et toujours le bruit de l’hélicoptère, jusqu’à la nuit.

– Samedi, la journée est consacrée à des échanges. Le premier débat se concentre sur les armes de la police. Ce sont des blessés et des habitants de Pont-de-Buis qui introduisent les discussions. Parmi la grosse centaine de personnes qui débattent, on se traduit à voix basse les interventions dans plusieurs langues : espagnol, allemand, anglais. Une série de questions sont abordées. Comment, depuis 20 ans, le maintien de l’ordre se militarise ? En quoi l’industrie des armes policières et militaires est un marché florissant dont la France est l’une des championnes ? On y apprendra que l’usine Nobel Sport a déjà semé la mort dans le village de Pont-de-Buis, lors d’une explosion en 1975 ou à l’occasion d’accident réguliers qui touchent les gens qui y travaillent. On y entendra que 90% de la production est destinée à l’exportation, pour réprimer celles et ceux qui se révoltent partout autour du globe. On découvre la notion « d’armement rhéostatique » : pour chaque arme, les institutions peuvent décider du degré de létalité. Allant de la blessure à la mort.

Plus tard, des habitant-e-s du Finistère viennent raconter les luttes de territoire qui se multiplient : contre une centrale à gaz, contre des projets de mines, contre l’extension d’une base militaire, contre l’extraction de sable … La Bretagne est une terre de lutte, et à Pont-de-Buis même, nombreux seront les habitants qui, malgré la situation angoissante crée par la gendarmerie, témoigneront de leur sympathie pour les actions menées. Il y aura aussi, plus tard, des échanges sur la COP 21, et l’industrie de la violence en Israël.

En soirée, une marche aux flambeaux s’élance à nouveau dans le village, après une veillée aux lampions et des chants de lutte. Devant l’un des barrages, les policiers voient, médusés, une foule de plus de 300 manifestants s’asseoir pour écouter des lectures sur les luttes de Notre-Dame-des-Landes et du Val de Susa. Puis, quand le cortège repart, subitement, le dispositif reçoit une grêle de projectiles puis prend feu après avoir reçu feux d’artifices et coktails molotovs, et répond par une généreuse salve de gaz. Plus haut, de larges portions du grillage de l’usine tombent alors qu’un portail est en partie démonté. Les policiers présents dans l’enceinte de l’usine ripostent à l’aveugle par des grenades assourdissantes et lacrymogènes. Le cortège rentre au camp, sans qu’il n’y ait de blessés ni d’interpellés, après avoir démontré la vulnérabilité du site. Contrairement à ce qu’écrivent la presse et la préfecture, la poudrière n’est pas « inatteignable ».

– Dimanche 25 octobre, cela fait un an précisément que Rémi Fraisse a été tué. Une longue marche à travers champs, forêts et ruisseaux permet à plusieurs centaines de personnes de déjouer tous les dispositifs policiers pour atteindre l’entrée principale de l’usine d’armement. Devant le grand portail, une importante rangée d’armures, de canons à eaux, de véhicules tactiques. Les forces de l’ordre s’attendent à l’affrontement final en pleine prairie. Après un quart d’heure d’hésitations, une fausse charge est lancée par les manifestants hilares, sur une dizaine de mètres. Les gendarmes, visiblement impressionnés, bombardent le champ de gaz au bout de quelques secondes. A l’évidence, la peur a changé de camp. Le cortège décide de repartir sans chercher une confrontation perdue d’avance devant les grilles, et repart vers le camp non sans taquiner les différents dispositifs rencontrés en route, qui répondent par des jets massifs de gaz lacrymogène.

– Dimanche soir, dernière victoire du week end. Alors que la préfecture avait annoncé sa ferme intention de fouiller et contrôler tous les véhicules, et de procéder à des interpellations, un immense convois de voitures s’élance du camp vers la voie rapide. Les clients d’un kebab et d’un PMU saluent le convoi qui klaxonne en signe d’au revoir dans les rues de Pont-de-Buis. Un check point avec des unités anti-émeutes, survolé par un hélicoptère, est déployé à la sortie du bourg. Face à la détermination du convoi, – une immense colonne de véhicules en rangs serrés, entourée de manifestants prêts à se défendre – le chef des gendarmes est obligé de rappeler ses hommes, solidement armés et hors d’eux, pour éviter l’embrasement. Il n’y aura aucun contrôle ce soir.

Tout au long du week end d’action, les plans de la police ont été déjoués, sa violence évitée, son contrôle esquivé. C’est le plus bel hommage qui pouvait être rendu à toutes celles et ceux qui ont subi la violence d’État.

– Une vidéo de Taranis News sur la journée du vendredi : https://www.youtube.com/watch?v=5zESODqqb2s

– Un bon récit de Reporterre : http://www.reporterre.net/Dans-le-Finistere-une-manifestation-calme-pour-denoncer-l-usine-a-grenades

– Article dans CQFD à propos de l’usine d’armement de Pont-de-Buis :
http://cqfd-journal.org/Pont-de-Buis%E2%80%89-la-poudriere
FIL INFO :
Samedi 24 octobre :

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Voici un récit de la matinée

Ce matin, nous étions nombreux rassemblés sous le barnum du campement installé à quelques pas de Pont-de-Buis, à quelques pas de l’usine Nobel Sport, marchand de mort.

Les débats commencent avec une présentation des nouvelles armes de la Police, notamment le Flashball superpro et le LBD 40 dont l’usine Nobel Sport construit les projectiles.

Débats où l’on a appris parmi d’autres choses…

Comment, au milieu des années 90, sous l’impulsion de Guéant puis de Sarkozy, le flashball a été introduit dans certains corps de police, et son utilisation généralisée.

Comment son usage a opéré un glissement vers un maintien de l’ordre offensif. On ne se contente plus de contenir les corps, on les frappe, on les mutile.

Comment la police se militarise. Les mêmes armes et les mêmes techniques y sont utilisées et participent de la même économie.

Comment Nobel Sport fabrique des gaz lacrymogènes interdits par la convention de Genève, afin de les envoyer hors des frontières de l’Europe, sur le marché mondial. Ces dernières ont été exportées au Burkina Fasso pour réprimer les opposants à Blaise Campaoré.

Comment l’usine Nobel Sport passe de 110 employés à 200 voir 300 quand une révolte éclate quelque part dans le monde. Trois chaînes de production sont mises en place et tournent en permanence sur le rythme des trois huit.

Comment des blessé.es au Flash-Ball et au LBD 40 se sont organisé.es en assemblée pour s’entre-aider.

Comment être blessé.e, mutilé.e par un tir de LBD ou de Flashball, c’est immédiatement après faire face aux médias, à la police, à la justice et aux regards des autres.

Et comment il est nécessaire de se rassembler pour y répondre.

0ù l’on a appris que « désarmer la police » voulait aussi dire éradiquer dans les têtes, dans les mentalités, l’idée que la police protège.

Où l’on a appris ce qu’est « l’armement rhéostatique ». Pour chaque arme, les institutions peuvent décider du degré de létalité. Allant de la blessure à la mort.

Le débat a continué sur la présentation de l’ambulance partisane.

Il s’agit d’un véhicule où l’on peut venir se faire soigner pendant une mobilisation. Où l’on peut apprendre et partager les gestes des premiers secours.

Cette ambulance commencera bientôt une tournée à laquelle chacun.e peut participer pour échanger, se réapproprier ces gestes ainsi que les techniques et savoir-faire concernant le soin.

Et qu’il est possible de les contacter à l’adresse suivante : medecine@riseup.net

Le débat s’est fini sur une histoire de l’usine Nobel Sport.

Où l’on a appris qu’en 1975, l’usine a explosé soufflant toutes les maisons alentour, tuant trois personnes et en blessant 80 autres. Ce qui provoqua un départ important des habitants de Pont-de-Buis.

Où l’on a appris que Pont-de-Buis était une ancienne poudrière royale privatisée dans les années 80. Et qu’un administrateur de Nobel Sport et aussi administrateur de Vinci.

Où l’on a appris que l’usine occupe 100 hectares et 20 kilomètres de routes. À cause de cela, l’accès à la forêt et à la rivière sont interdits aux habitants.

On a appris plein d’autres choses, mais le mieux serait quand-même de nous rejoindre pour continuer à discuter entre-autre des luttes en cours dans le Finistère (Centrale à Gaz, Extraction minière, Méthaniseur et extraction de sable dans la baie de Morlaix.) et participer avec nous aux différentes mobilisations.

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Articles de presse dans L’express, Le Telegramme, Ouest France, France24

Récit de la suite de la journée

Samedi, après les discussions de la matinée, on discute sur le campement de la lutte contre la centrale « à cycles combinés à Gaz » à Landivisiau et de la manifestation samedi 14 novembre organisée par des collectifs en lutte contre des projets d’aménagement en Bretagne :

Appel pour une manifestation avec les collectifs en lutte le 14 novembre à Landivisiau

Tandis que les situations économiques, sociales et environnementales se dégradent chaque jour, la seule réponse des gouvernants est une fuite en avant. En imposant de nombreux projets (centrale à gaz, mines, forages, aéroports, méthaniseurs industriels…) sans considération pour la planète ni pour les populations, ils démontrent par là-même qu’ils ne prennent pas conscience des bouleversements en cours.
Réunis à l’initiative de l’association ” Landivisiau doit dire non à la centrale “, nous qui sommes issus de plusieurs associations et collectifs de lutte, nous nous levons et crions ASSEZ !

…à la gestion imposée et la destruction des territoires :
L’état et les groupes financiers, avec ou sans relais locaux, tentent de faire passer en force des projets élaborés dans des bureaux bien loin des besoins des territoires concernés. Leur irresponsabilité et leur incohérence vis-à-vis des enjeux climatiques et sociaux nous mobilisent ici, de la même façon que pour les pays où l’on pille les ressources.

Ces luttes, contre des projets d’aménagement du territoire, touchent précisément à la question de l’urgence climatique actuelle.

On a alors parlé de la COP21, des convois des territoires en lutte qui doivent converger à pied, à vélo, en tracteur, du sud, de l’ouest et de l’est. Certains sont même déjà partis. On a parlé des préparatifs en cours en région parisienne pour accueillir des gens venus du monde entier. On s’est échangé quelques adresses, quelques contacts pour continuer à organiser cela.

Pour Paris: : cop21@riseup.net

Pour NDDL: mslcnddl@riseup.net

Et pour les infos en général: marchesurlacop.noblogs.org

Le gros du convoi partira le 21 novembre de Notre-Dame-des-Landes pour arriver le 28 aux portes de Paris.

Il sera essentiellement constitué de cyclistes. Des tracteurs et quelques véhicules transporteront les personnes ne pouvant pas faire un long trajet à vélo, ainsi que la logistique.

(…)

Nous cheminerons depuis Notre dame des landes avec toute l’énergie du mouvement anti-aéroport, en créant en route des espaces de rencontres et de mobilisation. Comme de nombreux habitant-e-s, paysan-ne-s, migrant-e-s d’autres parties du monde qui subissent déjà en première ligne les conséquences du réchauffement climatique, nous savons que notre salut ne viendra pas des échanges de marchés carbones entre lobbies industriels et gouvernements, encore moins du capitalisme vert. Nous voulons participer à une reprise en main, par les populations et mouvements de lutte, de l’avenir de la planète.

Il est temps de sortir enfin du productivisme industriel, de la privatisation des biens communs, de la destruction des terres nourricières et de la marchandisation du vivant. Pour qu’émergent des possibles, à Notre dame des landes comme ailleurs, il s’agit de bloquer concrètement dès maintenant l’avancée de leurs projets nuisibles, imposés et climaticides. Il faut continuer à libérer des espaces où puissent s’inventer, ici et maintenant, d’autres formes de vie commune, de cultures et d’habitats tels qu’ils s’expérimentent aujourd’hui à Notre Dame à landes.

Enfin, on s’est arrêté de discuter pour manger. Big up aux cuisiniers et cuisinières qui ont nourri plus de 150 personnes pendant trois jours. Pendant ce temps, on finissait de construire une structure en bambous sur laquelle était accroché des centaines de lampions. En s’éloignant, une fois la structure levée, après un temps de chansons, on pouvait y lire le nom de Remi, ton nom brille dans la nuit.

La nuit tombe et nous partons pour une marche au flambeau dans Pont-de-Buis, avec un petit ampli à bretelles qui donne le ton, vers l’usine d’armement Nobel Sport, marchand de mort et pas de sport. À l’entrée de la route, encore une fois, la police barre l’accès à l’usine avec ses hautes grilles anti-émeute. Le décor est planté, le spectacle va pouvoir commencer… On lit des textes, des récits de lutte à Notre-Dame-Des-Landes, et dans la vallée No-Tav du val de Susa. Les manifestants et manifestantes dans la nuit, face à la police, écoutent attentivement. Cela dure et puis cela s’arrête. On crie, on hurle au loup, on allume des pétards, on secoue les grilles anti-émeute et on remonte doucement. Sur le trajet du retour, aux rythmes de cumbia et d’electro rap, quelques grilles de l’Usine seront arrachées Les policiers présents ne pourront rien y faire, la poudrière n’est pas si inatteignable.

On rentre au campement ensemble, et de nouveau l’on mange. Big up aux cuisiniers et cuisinières qui ont rassasié tout cette troupe encombrée.

On enchaine sur un film, le business de la répression as usual made in Israel, avec comme terrain d’expérimentation la Palestine, et comme marché le monde entier.

Le business de la mort en toute fraternité, les flics et militaires du monde entier uni pour flinguer…La soirée se prolonge ensuite, autour de la bière et des braseros, sous le barnum au sol de paille.

Au lendemain matin, le démontage du camp se fait rapidement, et l’on discute de la suite de la journée ainsi que de la coordination d’actions de résistances et de blocages en cas d’attaque de la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes à l’hiver ou ensuite.
grilles au lendemain
grilles au lendemain

grilles au lendemain
grilles au lendemain
Hommage a Remi
Hommage a Remi

Vendredi 23 octobre :

20h45 : Voici un récit de la journée à Pont-de-Buis

Donc, le week-end de mobilisation contre l’usine d’armement de Pont-de-Buis a commencé.

Cela a commencé sur les ondes, avec radio Poudrière (98,6) qui diffuse en continu les infos sur la mobilisation.

Cela a commencé avec d’énormes Dazibao en papier mâché représentant les fameuses armes et munitions avec lesquelles la police mutile et tue.

Cela a commencé avec le champ prêté par un habitant de Pont-de-Buis sur lequel le campement se trouve en ce moment.

Cela a aussi commencé avec les barrages filtrants, les routes barrées tenues par les gendarmes qui ont ralenti pas mal d’entre nous sur le chemin de Pont-de-Buis.

Et bien sûr, l’impayable hélicoptère qui ne nous lâchera pas de la journée.

On se retrouve finalement 400 personnes dans le centre de Pont-de-buis.

Quelques tags : « Face à la police, légitime défiance. » « Nobel sport, noble mort. »

Quelques slogans : « Les policiers à la vaisselle, les Flash-ball à la poubelle. » « Nobel Sport, marchand de mort ».

Et puis une grande, très grande banderole peinte sur lequel on reconnaît le visage de Rémi Fraisse avec l’inscription : « Rémi, présent dans nos luttes. »

Après une heure, le cortège s’ébranle.

La police nous attend sur le pont qui mène à l’entrée de l’usine avec canon à eau et grille anti-émeute. Devant les grilles, au milieu des slogans, des tags et des jets de peinture, l’assemblée des blessées qui réunit des personnes blessées, par des tirs de Flash-ball et de LBD 40 tiendront comme ils l’avaient prévu, une conférence de presse.

Impossible d’aller plus loin. Les gendarmes nous cantonnent dans le centre ville.

C’est une interdiction de manifester de fait.

Depuis la mort de Rémi Fraisse, le gouvernement remet régulièrement en cause le droit de manifester en pratiquant des arrestations préventives, en bloquant les manifestants dans de gigantesques nasses, etc.

Le préfet dit ne pas avoir interdit la manifestation, mais il a mis tout en place pour empêcher son déroulement.

On tente un peu plus loin, mais on tombe sur un autre barrage. On est repoussé par des gaz lacrymogène.

On revient dans le centre.

Entre temps, de nombreuses personnes nous ont rejointes. Nous partons vers le camp en colonne motorisée.

Le Week-End continue.

Ce soir par un festnoz.

Samedi par une journée de discussions.

Dimanche par une journée d’action.

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« à emporter sur place »
« à emporter sur place »

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une partie de l’usine Nobelsport au loin

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un poème écrit par le père de Rémi Fraisse, lu au départ de la manifestation de Sivens & à Pont-de-Buis:

J’ai fait un rêve

J’ai fait un rêve Rémi, tu nous quittes dans un faisceau lumineux.

J’ai fait un rêve Rémi, la renoncule à feuille d’ophioglosse fleurit sur toutes les zones humides qui se multiplient partout en France.

J’ai fait un rêve Rémi, l’humour et le détachement de soi sont à l’intérieur de nous tous.

J’ai fait un rêve Rémi, plus jamais la France ne se mutilera avec des grenades offensives.

Que ta mémoire, Rémi, soit le gardien de l’interdiction de ces armes.

Je ne rêve plus.

Texte de Jean-Pierre Fraisse, père de Remi Fraisse, lu au début de la manif.

19h40 : la manifestation s’est terminée, tout le monde s’est dirigé vers le camps, où il y a un repas ce soir.. suivi par un FEST NOZ, crèpes, bar,…! Parking, camping sur place, dans le champs (merci de ne pas se garer devant chez les voisins)

ouest france a fait un suivi en direct de la manif : http://www.ouest-france.fr/manifestation-pont-de-buis

12h45 : Le camp contre l’armement de la police est bien installé, vous pouvez appeler le 0677670242 pour le rejoindre. Le camp ce situe au niveau du hameau ‘Lanvélé’.

Depuis la 4voies Quimper-Brest N165, prenez la sortie 61 (la première sortie Pont-de-Buis en venant de Quimper. Attention, il y en a deux!). Au stop, prenez la direction Pont-de-Buis (D770). Continuez tout droit, jusque dans le bourg. Tournez à droite (Rue de la Promenade) avant d’arriver à la gare de Pont-de-Buis, puis continuez tout droit dans la Rue du Poulhi. Le camp sera indiqué, elle se situe juste avant le virage au niveau du hameau de Lanvélé.

– Contrôle de véhicules sur le D770 (première sortie depuis la 4voie en venant de Nantes) au rond point avant le CASINO. Et toujours sur la D770 au niveau de la route qui mène à l’entrée de l’usine.

– Ouest France signale que :  » Les principales artères menant à l’usine vont être barrées. Le site Internet de la mairie annonce que toute circulation et stationnement sont proscrits dans les rues du Beuzit et Squiriou jusqu’au lundi à 9 h. Les habitants sont aussi invités à se munir de papiers d’identité ou d’un justificatif de domicile. » (Article en entier sur http://www.ouest-france.fr)
Jeudi 22 octobre :
Attention : un communiqué de la mairie de Pont-de-Buis indique de très probables contrôles aux entrées du village !
restriction circulation

Il s’agit évidemment d’éffrayer la population, à qui nous rappelons que la manifestation n’est pas contre les habitants de Pont-de-Buis, mais veut s’attaquer à l’industrie d’armement, à Pont-de-Buis, comme ailleurs !

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vidéo sur NOBELSPORT : https://www.youtube.com/watch?v=dHkjIZav0n8

sur facebook : 23-24-25 octobre : week end contre l’armement de la police

voici un tract écrit par des habitants de Pont-de-Buis : tract avis à la pooulation

article dans CFDQ : http://cqfd-journal.org/Pont-de-Buis-la-poudriere

communiqué de l’Assemblée des Blessées : https://blogs.mediapart.fr/blog/assemblee-des-blesses/

article dans Ouest France : 12088214_155791138105265_553971383237394525_n
Le 25 octobre 2015, un an après la mort de Rémi Fraisse, nous organisons un week-end d’actions contre l’usine Nobelsport fabricant de grenades lacrymogènes et de balles de défense. L’objectif est simple :

– Mener une percée dans l’imaginaire en cherchant de nouveaux points de vulnérabilité de la police et mettre en lumière la source des armes qui mutilent et tuent nos compagnons de lutte, ici en France et sur toute la planète.

– Apprendre ensemble les techniques collectives pour bloquer ce type d’industrie.

L’histoire aura voulu que ce début d’année 2015 marque un tournant majeur dans l’image dégradée des forces de l’ordre après 10 ans de mutilations et d’assassinats répétés.

Dans la rue d’abord, les soubresauts estudiantins des années 2000 sont venus s’ajouter à la colère des banlieues. Tous deux ont mis à jour l’un des aspects principal du maintien de l’ordre : une force essentiellement dissuasive qui le cas échéant contient l’affrontement dans un dispositif qu’elle a préméditée.

Dans les bocages plus récemment, la résistance aux projets d’infrastructures a eu raison un temps du savoir faire français en matière de contrôle d’un territoire. Les gendarmes se sont littéralement embourbés à Notre-Dame-des-Landes et leur naufrage a eu pour conséquence prévisible un usage frénétique de leurs armes entraînant de nombreuses blessures, et le 25 octobre 2014, la mort de Rémi Fraisse sur la Zad du Testet.

Dans la presse enfin, les experts de la sécurité intérieure ont subit l’un des plus gros échec de leur courte histoire en 2008 avec l’affaire de Tarnac. La figure construite de toutes pièces de l’ennemi intérieur devenait en quelques semaines le tombeau de ceux qui l’avaient brandie comme un épouvantail. Exit MAM, Fragnoli, exit les barbouzes de la DCRI chacun d’eux est sorti par la petite porte.

Et si on a perdu l’habitude des petites guerres sales menées aux confins des services de la sécurité intérieure, l’affaire Tarnac relève le niveau. Comme cette histoire en 2009 de disparition d’un militant basque, Jon Anza, dans un train pour Toulouse, qui réapparrait un an plus tard, anonyme, dans une morgue.

Puis, contre toute attente, un attentat frappe le siège de Charlie Hebdo aux premiers jours de l’année 2015. Plusieurs policiers meurent à cette occasion. Branle bas de combat international, tout est mis en œuvre pour orchestrer une des plus spectaculaires mobilisations des dernières années. Le peuple se dresse derrière sa police, et la lourde ardoise accumulée depuis plus de dix ans s’efface presque aussitôt. Des centaines de milliers de personnes défilent auprès de plusieurs chefs d’état et acclament les snipers qui sécurisent la manifestation. Belle démonstration de force de l’antiterrorisme qui trouve enfin sa traduction populaire. Et dans les deux mois qui suivent cet événement morbide, l’état répond méthodiquement à chacune des erreurs qu’il a accumulé.

Le 6 mars 2015 la Zad du testet est expulsée par 200 Paysans de la FNSEA accompagnés par un lourd contingent de gendarmes venu avec une douteuse position de neutralité afin d’ éviter l’escalade de la violence.

En mai 2015, le tribunal de grande instance de Paris rejette le recours civil de la famille de Jon Anza, tout en reconnaissant « un dysfonctionnement au niveau de l’enquête tant de la part de la police que du parquet », mais « pas de faute lourde ».

Le 18 mai, les deux policier responsables de la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois en 2005 sont relaxés après 10 ans de procédures.

Le 7 du même mois, la presse annonce la tenue d’un procès en antiterrorisme dans le cadre de l’affaire de Tarnac pour trois des inculpés.

Au même moment la commission parlementaire créée par Noël Mamère suite à la mort de Rémi Fraisse, louvoie sur les moyens accordés à la police et entérine leur nouvel armement. Conséquence directe, au flashball se substitue le LBD (Lanceur de balles de défense), plus précis et plus puissant que son prédécesseur.

Et pour couronner le tout, une proposition de loi sur le renseignement légalise toutes les techniques de surveillance que la police pratiquait dans l’ombre. Le message a le mérite d’être clair, plus rien ne viendra entraver l’exercice du maintien de l’ordre, dont l’imaginaire rénové concède à chacun de ses agents la plus respectable des fonctions : celle de protéger la population contre le chaos organisé. Ce que le message oublie de préciser c’est que pour le pouvoir, le chaos organisé qu’il faut conjurer n’a pas grand-chose à voir avec le spectre réinventé de Ben Laden, mais repose dans toutes les manières de vivre, d’habiter, de se rencontrer, de s’organiser qui échappent aux grilles d’analyses du présent.

Aujourd’hui pourtant, il n’est de secret pour personne que la police tue, elle tue tous les ans, à plusieurs reprises, avec les mêmes armes et sous la même autorité, et quand elle ne tue pas elle mutile. Si cette vérité est depuis longtemps d’une banalité affligeante dans les banlieues françaises, elle restait inexistante dans les manifestations.

Depuis la mort de Malik Oussekine en 86, le maintien de l’ordre à la française faisait office d’exemple pour toute l’Europe. Un savoir-faire irréprochable, disait-on, conjugué à un armement fiable bien que de plus en plus létal. En 10 ans et sur différents terrains de lutte, cette maîtrise si fièrement publicisée a fait l’épreuve d’une détermination nouvelle, et surtout d’une extension du champ de l’affrontement. Incendies et saccages dans les banlieues, confrontations dans les bocages, généralisation des techniques de blocage jusqu’à certains cadres de la CGT, sabotages d’outils de travail, de lignes haute tension, les occasions ne manquent pas pour les autorités de se mesurer à des formes de contestation plus hétéroclites. Depuis dix ans maintenant la police ne cesse de réajuster ses méthodes d’intervention et chaque nouveau conflit, chaque revers encaissé est une occasion pour elle d’améliorer sa capacité d’intervention, d’affiner sa doctrine.

Un rapport récent indique à ce propos que l’utilisation des grenades offensives est circonscrite en France à trois types de territoires, les banlieues, les dom tom et les zad. Ce que les pouvoirs se complaisent à qualifier zone de non-droit semblent bénéficier d’un statut particulier et deviennent de véritables laboratoires pour les autorités.

Après les banlieues, les usines, les facs, les lycées, c’est au tour des Zad et de leurs ramifications urbaines d’être l’un des principaux objets d’étude des entrepreneurs de la sécurité.

Dépasser la peur

Il faut reconnaître une certaine tétanie dans les mouvements de lutte face à l’effet ravageur des armes du maintien de l’ordre et à leur usage devenu presque systématique. Si nous étions surpris de voir si peu de monde descendre dans la rue suite à la mort de Rémi, nous l’étions moins de constater les clivages que cette séquence a fait ressurgir dans les mouvements. La crainte plus ou moins fondée de voir se répéter dans les manifs anti répression le même dispositif d’affrontement entraînant les mêmes conséquences, a eu raison de la réaction massive à cet assassinat. Planait comme un sentiment d’abandon pour ceux qui descendaient dans les rues et de dépossession pour ceux qui craignaient les débordements, les blessures etc. La police, elle, s’est contentée de boucler intégralement les centre-villes et d’alimenter le sentiment de crainte par assauts médiatiques successifs.

Cependant, une chose importante et significative s’est produite. Bien que la peur couvrait d’un épais nuage l’atmosphère des manifestations de l’automne, chacune d’entre elles comme à Nantes et Toulouse rassemblait de plus en plus de monde. Et seul le temps et la répétition jouaient contre les manifestants. Il y avait là une colère contenue qui cherchait ses formes d’expression entre prises de rue, blocages de gendarmerie et d’usine d’armement.

La peur est un sentiment paradoxal qui appelle à la fois au replis, à la fois au dépassement. La première réaction, la plus courante produit en substance ce qui fait mourir les luttes ou qui les maintient dans un certain état d’agonie. Chaque peur prend le pas sur l’élaboration. Celle de devoir assumer des pratiques d’affrontement, celle de voir des compagnons de lutte se dissocier de certains actes, celle de trahir son identité politique, et bien d’autres encore.

Toutes ces peurs sont la conséquence en même temps que le moteur de la répression. Elle mettent en lumière ce qui depuis une fragilité de composition ouvre une brèche pour amoindrir la puissance d’un mouvement.

Le meilleur rempart à ce type d’effet c’est de trouver les conditions pour construire une forme de confiance commune, qui n’efface pas les désaccords mais qui prend acte de certaines nécessités stratégiques dans une lutte qui se confronte à un appareil d’état. En somme, la confiance qui nous a permis de repousser 2000 flics en 2012 sur la ZAD, de bloquer en 2011 un train de déchets nucléaires pendant plusieurs heures, d’amener 500 tracteurs dans les rues de Nantes, ou encore de mettre en échec des rafles de sans papier comme à Montreuil.

Il n’y a pas de fatalité derrière les obstacles que nos histoires traversent, il n’y a que des dépassements possibles.

Déplacer le conflit

On le sait, la question du conflit est un des nœuds indémêlables des luttes que nous menons ensemble. Certains le situent sur le terrain juridique, d’autres sur celui des média et de l’opinion publique, d’autres encore sur le terrain de l’action dans la rue, et les clivages ne manquent pas à ce propos.

Reste que beaucoup semblent d’accord pour prétendre qu’une certaine composition entre toutes ces idées produit de la puissance, une puissance capable de défaire les plus audacieuses percées du maintien de l’ordre.

Ce que la conjonction de ces formes permet, c’est d’extraire chacune d’entre elle de son isolement propre.

Réduire le conflit politique à l’affrontement de rue, c’est au mieux avoir l’impression de faire peur au pouvoir, au pire perdre un œil ou la vie.

Assumer une foi sans limite dans « l’opinion publique » c’est abandonner aux journalistes la manière d’énoncer nos idées et leur laisser le monopole de la pensée politique.

S’en remettre à la justice c’est faire preuve d’une croyance aveugle dans une indépendance consumée depuis les premières minutes de sa création.

Pourtant, conjuguer par exemple ces trois dimensions c’est donner les moyens à chacune de soutenir le rapport de force qui lui est imposé. Le soutenir en déplaçant les termes du conflit.

Le maintien de l’ordre ne trouve sa puissance que lorsqu’il a face à lui une force qui se soumet à la symétrie qu’il impose ou parfois qu’il supervise (comme à Sivens récemment).

Déplacer le conflit ne signifie pas qu’il faut renoncer aux pratiques de luttes qui ont fait notre force, il faut en revanche les sortir de l’isolement que l’autorité leur impose. Contourner un dispositif plutôt que le prendre de front, utiliser le droit pour mettre en lumière les irrégularités d’une opération de maintien de l’ordre et la ralentir en conséquence, déjouer à l’unisson les figures médiatiques fabriquée de toutes pièces, bref ramener à soi chaque possibilité comme des options stratégiques plutôt que comme des vérités immuables. L’industrie de l’armement en France a cette double particularité d’être à la pointe des exigences internationales en matière de maintien de l’ordre tout en bénéficiant d’une relative opacité sur la destination de sa production. Pourtant, si en Grèce ceux qui subissent quotidiennement la police sont bien en peine de pouvoir s’attaquer aux producteurs d’armement c’est parce que les armes qui servent à les mutiler viennent de chez nous. Aussi la mort d’un adolescent lors de l’anniversaire de l’occupation du parc Gezi en Turquie il y a un an provient de l’explosion d’une grenade française. Partout et jusque dans les insurrections arabes l’industrie de l’armement français produit le même désastre. Mettre en lumière l’existence de ce type d’industrie n’est rien d’autre que commencer à la sortir de la niche dans laquelle elle est logé et trouver les moyens pour la bloquer.

Pratiques de lutte

S’intéresser au fonctionnement de la police, comme de la justice, y trouver des failles, et les partager, savoir ce qu’ils mangent, comment ils se déplacent, qui les arme et comment ils s’arment, c’est autant de questions que nous souhaitons nous poser pour chercher des manières d’agir. Connaître ces failles pour pouvoir aussi, à un moment opportun, être capable d’amoindrir la capacité de nuisance de ce type d’industrie.

L’idée de se retrouver à Pont de Buis remonte à décembre dernier où suite aux manifestations répondant à la mort de Rémy Fraisse, nous étions plus de 200 à nous être retrouvés devant les portes de Nobelsport sans trop savoir ce qu’il y avait à l’intérieur. Cette expérience nous a appris une chose. Il a suffi d’être ce nombre à tourner autour des grilles d’enceinte de l’usine pour bloquer sa production. Là réside toute la limite d’un site de production d’explosifs soumis à une réglementation drastique. Une simple présence hostile suffit à interrompre la production. Aujourd’hui nous souhaitons aller plus loin dans l’expérimentation des pratiques de blocage de ce type d’industrie. Comment fonctionnent les unités de production, quelles routes empruntent les transporteurs, pour se rendre sur quels sites de stockage, en somme, mettre à jour la petite économie secrète que constitue l’armement de la police et trouver les moyens de la perturber.

Et Nobel Sport dans tout ça

Nobel Sport, c’est une des grandes boîtes de production d’armement de maintien de l’ordre qui existent en France, elle gère la poudrerie de Pont de Buis depuis 1996 et y fabrique pêle-mêle, grenades, cartouches etc. Elle arme non seulement la police mais aussi l’armée et vend ses produits à divers pays étrangers. Quatre établissements sont répartis sur tout le territoire, dont le siège à Paris. La société est dirigée par un ensemble de sept actionnaires évoluant entre l’industrie de l’armement et la finance. C’est une boîte parmi d’autres, nous verrions autant de sens à cibler Alsetex dans la Sarthe ou Verney Carron à Saint Etienne, comme d’ailleurs toutes les sociétés qui équipent les forces de l’ordre, de l’uniforme jusqu’à la peinture des camions. Le site de production représente environ la moitié de la superficie du village, soit plusieurs kilomètres de grillages d’enceintes. Il s’inscrit dans un territoire longtemps dévolue à l’industrie du maintien de l’ordre. École de gendarmerie de Chateaulin, base de sous-marins nucléaires de l’île longue, la présence des autorités ne manque pas dans cette région. Ce que l’on connaît de cette usine, à part son implication historique dans les menées guerrières de Louis 14, c’est la triste réalité d’une industrie hautement explosive, emportant régulièrement avec elle la vie de quelques ouvriers ou les fenêtres des maisons. Les deux moments qu’on retiendra entre 1975 et aujourd’hui laisse quelques sueur froides à qui veut bien imaginer ce que peux signifier vivre à coté d’une usine à poudre.

Collectif Pont-de-Buis 2015